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vogue nouvelle aux pronostics sur le réveil de l’Asie qu’inspirent les triomphes des Japonais et les premiers essais du parlementarisme chinois. Nous sommes, nous aussi, par nos possessions d’Indochine, une puissance asiatique. Nous ne pouvons donc pas nous désintéresser de ce qui se passe chez les Anglais : nous y verrons des exemples à suivre et des erreurs à éviter.


I

Le 15 novembre 1909, l’Inde anglaise est entrée dans une phase nouvelle de son existence. Avec la Compagnie des Indes, elle avait connu, jusqu’en 1857, les difficultés, les luttes et la gloire ; après la Great Mutiny, elle s’était fortifiée, agrandie, enrichie, sous la direction de ses vice-rois et des ministres qui la tenaient en tutelle ; depuis la promulgation de l’Indian Councils act, elle fait l’essai, timide encore, du gouvernement représentatif qui la rendra progressivement maîtresse et responsable de ses destinées.

La perte des Etats-Unis d’Amérique est, pour les Anglais, une profitable leçon. Ils savent qu’une métropole ne résiste pas sans dommages aux désirs de ses colonies. La masse de la population indienne n’en avait guère, mais une minorité bruyante parlait, manifestait, conspirait pour elle. Pendant quatre années, les nationalistes hindous encouragés tout d’abord par l’indifférence et le dédain des gouvernans, stimulés ensuite par une répression sévère qui les transformait en martyrs, aidés par des alliés actifs comme les Irlandais, les socialistes, les philanthropes ignorans et les ennemis des Cabinets, avaient réussi à créer une agitation incessante et parfois dangereuse. Leurs prétentions, leurs provocations troublaient les Musulmans et compromettaient le dogme de l’équilibre des races et des croyances ; leurs tentatives du swadeshisme et du swarajisme étaient dirigées contre les intérêts économiques et la suprématie de l’Angleterre ; leurs attentats contre les personnes et les propriétés des fonctionnaires et des colons propageaient l’inquiétude et l’anxiété ; l’organisation, les moyens d’action de leurs sociétés secrètes devenaient menaçans. La masse indigène, jusqu’alors inerte, pouvait s’enflammer brusquement, et la domination anglaise disparaître après des convulsions sanglantes. Le