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Le principe de la nomination semble incompatible avec celui de l’élection. En réalité son adoption était nécessaire pour faire accepter la réforme par certaines catégories d’indigènes qui personnifient des intérêts importans. Les Orientaux sont, en général, réfractaires à la conception du suffrage populaire quand ils n’ont pas reçu l’éducation européenne. Un Indien notable, estimé de ses concitoyens, ayant de l’influence, croirait s’abaisser en sollicitant les votes de ses compatriotes. Les hommes de valeur, autres que les babous brouillons, avides et prétentieux, n’admettront pas avant plusieurs années d’être nommés par leurs inférieurs. L’un d’eux, traduisant le sentiment commun, disait au fonctionnaire qui lui demandait son avis : « Monsieur, je ne me présenterai pas à l’élection ; j’attendrai que le gouvernement me choisisse. » La nomination officielle permettra d’employer dans les Assemblées des hommes éclairés et considérables, en respectant leurs préventions qui disparaîtront avec le temps.

Dans les Conseils, la liberté de discussion est à peu près complète. Cependant la critique des questions extérieures et de celles qui sont sub judice, le dépôt de résolutions contraires aux attributions d’une assemblée différente, ou jugées par le vice-roi dangereuses pour l’intérêt public ne sont pas autorisés. En matières financières, les droits d’examen des Conseils sont sans limites ; ils sont rendus pratiquement efficaces par les débats qui peuvent en résulter au Parlement.

À ces réformes succinctement analysées s’ajoute une innovation que les journaux anglais ont commentée avec inquiétude : la nomination d’un Indien au Conseil exécutif du vice-roi. En mars 1909, lord Minto désignait M. Satyendra Prasandra Sinha, avocat, comme successeur de sir E. Richards, avec un traitement annuel de 125 000 francs. L’opinion anglaise dans l’Inde reconnut que, si la présence d’un indigène au Conseil était nécessaire, on ne pouvait faire un meilleur choix ; mais le Times du 24 mars critiquait cette décision qui enlevait désormais à l’autorité gouvernementale son caractère exclusivement britannique : « … Les capacités et les qualités de M. Sinha ne sont pas en cause… Des efforts déterminés seront faits pour que sa nomination soit considérée comme un précédent. S’ils aboutissent, M. Sinha aura des successeurs indigènes qui, à leur tour, pourront avoir des collègues musulmans. Nous ne sommes pas certains, mais au contraire nous avons peu de raisons pour