Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/352

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au viie et au vie siècle, la Grèce et l'Égypte furent en relations perpétuelles. Par les colonies grecques d'Égypte et, notamment, par Naucratis, les deux races firent plus que voisiner : elles fraternisèrent. Les îles et, en particulier, Samos répandirent en Grèce, à profusion, les produits et les œuvres des artisans et des artistes égyptiens.

C'est dans les îles que naquit la primitive statuaire grecque et sous l'influence vivifiante des civilisations orientales.

Mais, si nous comparons, et fût-ce avec un soin minutieux, les Kouroï archaïques et leurs prototypes égyptiens, quand nous aurons une fois noté tout ce que doivent les Grecs à l'Orient, ce qui restera sans modèle premier sera l'invention de la Grèce.

Eh bien ! il restera le sourire des lèvres, des joues et des yeux. L'invention de la Grèce, la voilà. Et la Grèce inventa un sourire.

Il n'y a pas d'invention plus belle, si le perpétuel sourire des Grecs anciens a des significations spirituelles. Et, si l'on admet que les sculpteurs du viie et du vie siècles, empruntant au dehors le type de leurs statues et l'imitant avec docilité, lui aient ajouté cependant cette trouvaille de leur génie hellénique, on admettra aussi que ce sourire ne soit ni une maladresse de leur ciseau, ni une manie de leur facture, mais une volonté qui devait correspondre à une idéologie, plus ou moins nette et consciente.

Avant de la formuler un peu, cette idéologie véritablement grecque, — la tentative est périlleuse et demande des précautions, — allons voir encore ce sourire, et maintenant à l'Acropole, dans le triste musée, pareil à une cave et tout plein de merveilles, qui se cache au creux de la roche, derrière le Parthénon.

Il y a là une petite salle où sont réunies, comme au musée national les Kouroï, les Corés ou les jeunes filles. Et, comme les Kouroï, elles forment une ronde au milieu de laquelle on est d'abord éperdu. Les jeunes filles !… Et, pour remplacer la rudesse des corps athlétiques, voici la grâce des jeunes filles en qui la Grèce archaïque trouva la plus charmante image de la féminité.

Elles sourient, les jeunes filles, comme leurs frères énormes. Cette fois, le sourire naît sur de ravissantes lèvres qui, autour de nous, font une couronne de roses épanouies.