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paix. » Car, à son avis, les malheurs s’amoncelaient sur la pauvre Italie et les dissentimens, les jalousies et les passions privées devaient accentuer ces malheurs. Elle considère Buonaparte comme « l’Attila, le fléau de l’Italie, » en même temps que « le plus grand homme que les siècles aient jamais produit. »

Elle le préfère à Frédéric II qui, à côté de son talent, avait, suivant elle, des petitesses et des ridicules. « Chez celui-ci tout est grand… Je voudrais la chute de la République, mais la conservation de Buonaparte. Car c’est réellement un grand homme et quand on ne voit autour de soi, et partout, que des ministres et des souverains aux vues mesquines et étroites, on n’en éprouve que plus d’étonnement et de plaisir à voir s’élever et grandir un pareil homme, tout en déplorant de voir sa grandeur attachée à une si infernale cause ! Cela vous paraîtra étrange, dit-elle à Gallo ; mais si je déteste ses opérations, je l’admire, lui. Je désire que ses projets avortent, que ses entreprises échouent, et je souhaite en même temps bonheur et gloire à sa personne, pourvu que ce ne soit pas à ses dépens ! » La générosité avec laquelle le jeune vainqueur a traité Wurmser, lors de la reddition de Mantoue, et ses belles paroles : « J’ai voulu honorer en lui la vieillesse et la valeur guerrière malheureuse, » l’ont pénétrée d’admiration. Sa façon de gouverner les pays vaincus, de les organiser et administrer, de conclure en maître des armistices et des traités, d’affirmer sa personnalité, à trente lieues de Vienne, devant toute l’Europe subjuguée, lui montre un homme au-dessus des autres hommes. « Il n’y en a pas un second en Europe dans tous les sens, guerrier, militaire, politique et surtout conséquent. » Aussi dit-elle que, s’il mourait, « il faudrait le réduire en poudre et en donner une dose à chaque souverain et une double dose à leurs ministres, et alors les choses iraient mieux. »

Le 17 octobre, la paix avec l’Autriche est signée à Campo-Formio. La République française est officiellement reconnue. L’empereur d’Allemagne renonce à ses droits sur les Pays-Bas autrichiens et admet l’indépendance de ses anciennes possessions en Italie, sous le nom de « République Cisalpine. » Le reste de la péninsule demeurait sous l’influence française. À cette nouvelle, quoique l’Autriche n’obtînt pour compensation que l’ancien territoire de Venise, Marie-Caroline parut heureuse et elle l’avoua ainsi : « La joie fut universelle en proportion de