Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/397

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« d’une seule petite branche d’olive, dit-elle, pour faire bonne union et rien, mais absolument rien d’autre. » Elle jette, en octobre, un coup d’œil sur l’état des affaires générales. « Pouvoir, force, fermeté d’un côté, dit-elle ; faiblesse, pusillanimité, vacillation de l’autre, telle est la politique de toute l’Europe actuellement. » Elle voit le Premier Consul poloniser — la fille de Marie-Thérèse aime ce verbe — et désorganiser tous les Etats, puis la Russie silencieuse, l’Italie opprimée, la Sardaigne mendiante, le grand-duc de Toscane dépouillé et tranquille, le Pape spolié de la moitié de ses États, Naples privé des Présides et de ses millions, et elle s’écrie : « Pourvu que cela en reste là, encore en comparaison d’autres, pourrions-nous nous dire des fortunés ! »

Elle s’occupe sans cesse de ce Buonaparte qui, pour elle, est le plus grand homme du siècle. Elle en trace ce fidèle portrait dans les derniers jours de 1802 : « Activité, courage, dextérité, et point sanguinaire. Je crois un bonheur que son talent ait mis fin aux cruautés, aux horreurs qui ont surpassé celles des Marius et des Sylla et je suis intimement persuadée que, dans toute l’Europe, personne ne mérite d’être plus souverain que lui. Il en a les connaissances et le courage ; il connaît les hommes et les conduit, comme il faut, à un but. J’ai de sa personne une véritable vénération. Je voudrais seulement qu’il se reposât sur ses lauriers et ne pensât plus à d’autres… Le petit Corse a bien prouvé ce que peuvent le génie et le courage d’un côté, le malheur et la faiblesse des adversaires de l’autre. Le moment où il a paru sur la scène, son retour d’Egypte, naturel ou acheté, enfin, en tout une dose de bonheur y est, mais il a bien joué son rôle et, si même il meurt assassiné, son rôle aura toujours été brillant. Car, certes, il a dompté l’indomptable nation française, et il la gouverne plus despotiquement qu’aucun maître. Dieu veuille qu’il s’occupe actuellement de toutes les singeries de la royauté, de gouverner et n’ait point d’autre projet au dehors ! Sans cela, personne de nous ne sera sûr… » Comme cette femme connaissait le fort et le faible des affaires, et comme son mot « les singeries de la royauté, » dans sa crudité voulue, est profond ! Mais elle ne croit pas que le Premier Consul s’arrête là et, dès la nouvelle année 1803, elle soupire : « Je suis convaincue que Buonaparte ne restera pas tranquille, mais je m’imagine encore qu’il nous laissera le titre