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de Roi, en en prenant toutefois tous les avantages pour lui… Je crois que nous serons dévorés, engloutis le premier jour où il l’aura résolu et croira utile à ses projets. »

Elle est tellement fatiguée du pouvoir, « le plus triste et le plus ingrat des métiers ! » qu’elle émet ce souhait : « Une bonne rente, des terres en Allemagne, une maison dans Vienne, un jardin hors Vienne et écrit sur ma maison en lettres majuscules : Ici on ne parle ni des souverains, ni d’anciens gouvernement, ni de politique, ni même de nouvelles des gazettes ! » Elle retrouve un instant quelque espoir en voyant avec quelle considération Bonaparte traite Gallo et en constatant les égards qu’il veut bien encore accorder à la Cour de Naples. Elle en attribue tout l’honneur à son ministre et l’en remercie avec effusion. Bientôt de nouvelles craintes l’assaillent. Comment tout cela finira-t-il ? « Que fait le grand homme ? Empereur, roi, dictateur ou consul ? Il est certes bien grand, mais il a des émules bien petits, ce qui l’a autant aidé que son propre courage et son génie. » La paix est-elle menacée ? Qui la fera ? Ce n’est pas Naples. « Sans argent, sans armes, artillerie et munitions, sans soldats et, dans six millions d’hommes, pas un qui ait du courage ou veuille s’éveiller une heure plus tôt pour le bien de la patrie et l’honneur ! Aussi, nous sommes calculés comme non existans sur le globe. Mais si la guerre éclate justement par notre nullité reconnue et manque de foi, nous serons les victimes, subjugués et ballottés. » On parle de faire Buonaparte roi. Elle en doute. « Je crois, dit-elle, qu’il a trop d’esprit pour se faire par un nom et un titre plus d’ennemis, quand il a tous les pouvoirs et prérogatives de ces titres et en exerce toute l’autorité. »

Elle a appris que le Premier Consul avait demandé à Louis XVIII de renoncer, moyennant une ample compensation, au royaume de France et elle a approuvé la réponse catégorique du Roi. « Je trouve extraordinaire, remarque-t-elle, avec la force et puissance de Buonaparte qu’il veuille la renonciation d’un pauvre relégué à Varsovie qui paraît n’avoir aucun parti… » Le 13 juin, elle voit arriver des troupes françaises 15 000 hommes, dans le royaume de Naples en pleine paix et craint que cette armée inattendue ne signifie la volonté formelle de les envahir et de les perdre. Aussi s’attend-elle à des périls sans nombre. Cette mesure l’afflige, mais ne l’étonne pas « du successeur de Robespierre ! » Le roi de Naples est