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Jésuites les voudraient mener, c’est-à-dire, peut-être, à une croisade contre l’Allemagne[1]. Henckel bientôt parla d’une visite que le chef des Gauches pourrait rendre au chancelier de l’Empire ; il disait à Gambetta : « Ce n’est que dans une conversation que vous pourrez asseoir solidement les conditions di rétablissement d’un régime de confiance entre nos deux pays sur la base d’une politique commune de l’Allemagne et de la France contre la Papauté ; » et puis, se retournant vers Bismarck, il lui faisait observer, le 23 décembre 1877, que le nouveau gouvernement de la France, en choisissant un protestant pour le ministère des Affaires étrangères et en remplaçant Gontaut, montrait à l’Allemagne son désir d’entrer en bons rapports. Gontaut démissionnait, en effet, à la veille d’être rappelé : Bismarck l’accusait, avec ténacité, d’avoir donné son aide aux influences de cour qui visaient à ralentir la persécution religieuse et d’avoir, avec l’appui des ultramontains, accrédité l’idée que l’Allemagne souhaitait la guerre. Bismarck depuis deux ans voulait qu’on le débarrassât de ce « contre-ministère » que formaient, d’après lui, l’Impératrice et Gontaut ; il était enfin satisfait. Henckel concluait que Gambetta « apporterait, dans leur extension la plus large, l’empressement et le concours de la France pour une politique commune de l’Allemagne et de la France contre Rome. » Le Culturkampf, expliquait de son côté Gambetta à Mme Edmond Adam, « a changé les principes des luttes anticléricales ; il en a fait une question de politique européenne. » Sur les lèvres de Gambetta, de celui-là même qui devait bientôt s’honorer en déclarant que l’anticléricalisme n’est pas un article d’exportation, semblaient ainsi voltiger, en une fugitive minute des propos singulièrement pareils à ceux que tenait Bismarck depuis quatre années, sur le caractère international du Culturkampf.

Mais si l’idée même d’une action commune de l’Allemagne et de la France contre Rome avait, en 1877, la saveur d’une nouveauté, très peu de mois suffiraient pour qu’elle eût la saveur d’un archaïsme. Le futur cardinal Vannutelli, causant à

  1. Il est intéressant de remarquer que, dès 1872, une brochure signée L. G., imprimée à Mâcon et intitulée La Revanche, brochure « distribuée dans les cénacles démocratiques et les loges maçonniques, » combattait l’idée de revanche comme étant « mise en avant » par les militaires de profession et par les « cléricaux, » surtout par les Pères Jésuites. (Henri Galli, Gambetta et l’Alsace-Lorraine, p. 36, Paris, Plon, 1911).