Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/781

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

servît ses intérêts. La Roumanie se charge volontiers de ce rôle parce qu’elle y trouve son avantage. Si, en cas de conflit turco-bulgare, elle envoyait son armée prendre à revers les forces bulgares, elle agirait conformément aux vues du Cabinet de Berlin, mais aussi conformément à ses intérêts propres. La vitalité de la combinaison qui fait entrer la Roumanie dans l’orbite de la Triple-Alliance s’est manifestée notamment l’été dernier quand Hakki Pacha, ministre des Affaires étrangères ottoman, est venu rendre visite au roi Carol avant de partir pour les eaux de Bohême où il devait rencontrer le comte d’Æhrenthal et M. de Kiderlen-Wæchter.

Nous avons eu déjà l’occasion d’indiquer ici quelle serait l’attitude de la Roumanie dans le cas où les Etats balkaniques chercheraient à se grouper en une Confédération[1]. Si la combinaison était dirigée contre l’Empire ottoman, la Roumanie refuserait d’y entrer, et son abstention la ferait échouer ou la paralyserait, S’il s’agissait au contraire d’une Confédération générale où la Turquie aurait sa place, la Roumanie n’aurait aucune raison de s’en tenir éloignée ; elle s’y agrégerait sans doute et sa politique s’en trouverait peut-être radicalement modifiée ; elle pourrait prendre appui sur les Etals balkaniques pour faire face au Nord et poursuivre, en face de l’Autriche et de la Russie, une politique « panroumaine. »

Il n’est, en politique, opposition si résolue qui ne se laisse fléchir si elle reçoit ce que les diplomates appellent, d’un si joli euphémisme, ses « apaisemens. » Quelles que soient les sympathies personnelles du souverain, son gouvernement et lui-même sont guidés par les seuls intérêts de la nation roumaine. Si, dans un remaniement territorial des Etats de la péninsule, la Roumanie trouvait la satisfaction de ses ambitions légitimes et recevait les garanties qu’elle juge nécessaires, pourquoi se refuserait-elle à une entente avec la Bulgarie ? Peut-être même ses démonstrations ne seraient-elles menaçantes que dans le secret dessein de stipuler un prix plus avantageux de sa retraite ? Il n’est pas difficile de deviner en quoi pourraient consister, en pareil cas, les « apaisemens » de la Roumanie ; il suffit de se reporter aux débats du Congrès de Berlin et aux négociations diplomatiques auxquelles a donné lieu l’opération

  1. Une Confédération balkanique est-elle possible ? Revue du 15 juin 1910.