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ne fût pas fou. Du moment que c’était un fou dont la folie était d’assassiner, il est excellent de l’avoir supprimé. »

« Vous frémissez, âmes sensibles, continue M. Émile Faguet ; mais ce chef de jury a pourtant raison. Quand il s’agit de malades, de pauvres malades, bien dignes de pitié, certes, mais dont la maladie consiste à égorger leurs semblables, je ne vois pas du tout pourquoi on ne s’appliquerait qu’à prolonger leur existence. »

M. Pierre Baudin soutient, de même, que la thèse de la responsabilité atténuée « ne saurait avoir aucune conséquence au point de vue pénal ; » il serait même tenté d’ouvrir les asiles, non aux aliénés criminels, mais aux aliénistes qui soutiennent ces doctrines subversives. « Nous avons, dit-il encore, un meilleur emploi à faire de notre argent et de notre philosophie médicale que d’immuniser et d’hospitaliser des détraqués coupables. »

C’est l’idée exprimée par un journal lors d’une affaire célèbre : « Pourquoi dépenser l’argent des contribuables à nourrir des monstres pareils ? Quand un chien est enragé, on le tue. »

À propos du même criminel (d’ailleurs peu intéressant et déclaré responsable par les experts), le docteur Maurice de Fleury voulait bien qu’il fût soumis à l’examen des médecins légistes, pourvu que, quel que fût le diagnostic, les décisions du jury n’en fussent pas influencées. D’après le même auteur, la santé psychique des criminels peut les rendre plus ou moins « sympathiques » ou « antipathiques, » rien de plus. Et il ajoute : « On a certainement eu tort d’écarteler Damien, fou notoire, qui voulut poignarder Louis XV ; mais, en supprimant la torture, nous avons fait l’essentiel et tout en moi ne se révolte pas à la pensée qu’on pourrait éliminer, par un procédé très rapide et point trop hideux, si possible, un aliéné très dangereux. »

Dans la constatation, par le médecin, chez le criminel, d’une santé psychique plus ou moins altérée, M. Remy de Gourmont ne veut, lui aussi, voir qu’un fait sans application légale ou sociale, comme dans la chute d’un arbre plus ou moins bien protégé par un rideau de pins. « C’est un fait, et l’on en tiendra compte dans l’estimation des arbres comme dans celle des hommes. C’est un fait et voilà tout… Quand nous aurons bien disputé… quand nous aurons épuisé tous les argumens pour ou