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que la notion de la patrie s’y est un moment éclipsée. Nous sommes convaincus que, revenus au sang-froid, les auteurs de ces manifestations les ont regrettées et en ont rougi ; il ne faut pas en exagérer l’importance ; il aurait cependant été dangereux de prolonger la situation qui les avait provoquées. On a si bien compris que la question n’était pas résolue, que des interpellations ont été adressées au ministère dans les deux Chambres : on lui a demandé ce qu’il comptait faire. Cette fois, il s’est décidé à prendre une décision : elle a été tout juste l’opposé de celle qu’il avait adoptée précédemment. Du décret du Conseil d’État rien ne subsistait ; on ne s’en occupait pas plus que s’il n’avait Jamais existé ; le vent parlementaire en avait emporté les lambeaux : et des délimitations il ne restait pas davantage. Sans doute le gouvernement ne pouvait pas supprimer à lui seul la loi, l’imprudente loi qui les avait faites, mais il promettait de déposer avant la fin de juin, un projet nouveau que les Chambres pourraient voter rapidement et qui rétablirait la situation antérieure aux délimitations. On reviendrait, en y introduisant de plus grandes facilités de procédure, à la loi de l824 qui donne à la propriété des marques de fabrique la garantie d’une action judiciaire devant les tribunaux, au lieu de faire assurer par une juridiction administrative le respect des délimitations. La Marne a été mécontente à son tour, et elle avait lieu de l’être puisqu’on lui avait donné des espérances qu’on lui retirait tout d’un coup : néanmoins, elle n’a pas bougé, soit parce qu’il y a certains excès qu’on ne renouvelle pas deux fois de suite, soit parce que, là encore, la présence des troupes a contenu les ardeurs les plus chaudes.

La résolution finalement prise par le ministère mérite d’être approuvée ; mais pourquoi ne l’a-t-il pas prise plus tôt ? pourquoi ne l’a-t-il prise que contraint et forcé et sous le coup de la menace ? pourquoi n’a-t-il pas reconnu plus vite que les délimitations avaient été une faute et que les fautes les plus courtes sont les meilleures, ou les moins mauvaises ? M. Pams, ministre de l’Agriculture, a fait personnellement bonne figure devant les Chambres ; il a parlé sans ambages, avec simplicité, avec netteté, engageant sa parole pour l’exécution de ses promesses, et, s’il faut le dire, les Chambres ont paru avoir plus de confiance dans la parole de M. Pams que dans celle du gouvernement. Les hésitations de celui-ci, ses tergiversations, ses contradictions avaient produit l’effet qu’on pouvait en attendre. Elles n’ont pas peu contribué à rendre encore plus instable la situation d’un ministère qui avait donné l’impression, ou de ne pas savoir