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mesure extrême pourrait bien être pour la Chambre le commencement de la sagesse.

Dans une situation aussi confuse, aussi troublée, aussi instable que celle dont nous avons indiqué les traits principaux, et où le gouvernement, qui se faisait de plus en plus petit, comptait pour si peu de chose, il suffisait d’une chiquenaude pour le jeter par terre. Toute la question était de savoir si elle lui serait administrée avant les vacances, c’est-à-dire avant trois semaines, ou après. Une imprudence de parole du général Goiran, tenant d’ailleurs trop évidemment à un défaut de pensée, a précipité les choses.

Lorsque M. Monis a mis un général à la Guerre, l’opinion l’a approuvé. Si le général Goiran était peu connu, on assurait qu’il avait fait bonne figure pendant les manœuvres, et au surplus son grade seul, ou même sa seule qualité de militaire, semblait être une garantie. On lui a donc fait bon accueil, et quand il s’est présenté au Sénat, pour la discussion de son budget, on l’y a écouté avec bienveillance. La première impression ne lui a pas été défavorable et même sa gaucherie oratoire n’a pas produit mauvais effet : un soldat n’a pas besoin de savoir farder la vérité. Lorsqu’il s’est prononcé contre l’odieux et honteux usage des fiches, les applaudissemens ne lui ont pas manqué ; mais le lendemain, M. de Tréveneuc lui a adressé une question inopinée qui a été pour lui la pierre d’achoppement. M. de Tréveneuc, un des membres les plus jeunes et les plus distingués de la Droite, ancien officier, brillant élève de l’École supérieure de guerre, est toujours, en dehors de toute préoccupation d’opinions politiques, écouté attentivement par le Sénat dans les discussions militaires où sa compétence est incontestable et incontestée. Il a demandé au ministre de la Guerre quelle était, à son avis, la meilleure organisation du haut commandement militaire en temps de guerre et en temps de paix. Le commandement suprême devait-il être partagé entre plusieurs mains, ou concentré en une seule et, dans un cas comme dans l’autre, celui ou ceux qui exerceront ce commandement à la guerre ne doivent-ils pas être mis, dès le temps de paix, à même de s’y préparer ? M. de Tréveneuc estime pour son compte que l’unité de commandement est indispensable et qu’elle ne peut être assurée que par un seul homme : il croit en outre que cet homme, auquel on est habitué à donner le nom de généralissime, doit avoir dès le temps de paix tous les moyens de se préparer à la responsabilité redoutable qui lui incombera en temps de guerre. Mais quelle était là-dessus l’opinion du ministre de la Guerre ? On a