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combiner leur politique générale de manière à être toujours d’accord l’un avec l’autre. Il en est de même de nos rapports avec l’Angleterre, puisque l’entente cordiale peut nous amener à prendre des résolutions communes. Nous manquerions à ce que nous devons à notre allié et à nos amis si, dans une circonstance grave ou qui peut le devenir, nous n’entrions pas tout de suite en relation avec eux. Qu’on se rappelle ce qui s’est passé en 1870 : M. Émile Ollivier l’a raconté ici même dans ses belles et émouvantes études. Nous avions, en 1870, des alliances à l’état de formation, qui étaient seulement préparées et esquissées ; néanmoins elles auraient obligé et sans doute entraîné l’Autriche et l’Italie si, avant l’ouverture des hostilités, nous nous étions entendus avec elles au lieu de nous borner à escompter leur concours. L’Autriche, qui ne cherchait d’ailleurs qu’à ne pas s’engager, nous a reproché ensuite de nous être engagés nous-mêmes sans nous être mis d’accord avec elle, sans l’avoir consultée, sans l’avoir entendue et attendue, et, bien qu’il n’y ait eu là de sa part qu’un prétexte, il aurait mieux valu ne pas nous y exposer. Mais enfin, nous n’avions alors envers aucune autre Puissance les devoirs stricts que nous avons aujourd’hui, puisqu’il n’y avait pas d’alliance définitivement conclue : il y en a une à présent, et notre allié peut se trouver un jour en face du casus fœderis. Il fallait donc faire ce que nous avons fait : ouvrir tout d’abord des conversations avec Saint-Pétersbourg et avec Londres. Cela ne veut pas dire qu’en demandant aux deux autres quelles sont leurs vues, nous renoncions à leur faire connaître les nôtres, à les soutenir, à les faire prévaloir. Nous sommes les principaux intéressés dans les affaires du Maroc, c’est donc à nous qu’appartient le rôle principal et ce n’est pas nous qui conseillerions d’y renoncer : toutefois la Triple Entente n’est pas un vain mot et lorsqu’une occasion se présente d’en montrer la réalité et la solidité, on ne doit pas la laisser échapper. La Triple Entente n’est d’ailleurs pas faite seulement pour la guerre ; elle l’est aussi pour la paix, surtout pour la paix, et c’est afin d’assurer le maintien de la paix que nous la mettons à même d’exercer sa bienfaisante influence. Non pas que nous croyions la paix menacée, ni que l’Allemagne ait la moindre intention de la troubler, mais les tête-à-tête sont quelquefois dangereux dans le domaine international, et il y a plus de chances d’arriver à un accord quand de nombreux intérêts sont en présence que lorsqu’il y en a seulement deux et que, par la faute des hommes, ils apparaissent comme opposés.

Une question a été adressée au gouvernement anglais, à la