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marche de l’armée principale. Sur l’extrait de cet ordre porté au prince de Hohenlohe par le colonel Massembach, Brunswick avait ajouté : « On donne au prince de Hohenlohe l’ordre exprès de ne point attaquer l’ennemi, en lui déclarant qu’il s’attirerait la plus sévère responsabilité s’il contrevenait à cet ordre. »

Hohenlohe reçut ces instructions en pleine action de guerre, dans une circonstance des plus dramatiques. La veille (12 octobre), Lannes, conformément aux instructions de l’Empereur, s’était porté de Neustadt sur Iéna par Kahla et la rive gauche de la Saale, et en route il avait débusqué de Winzeslas (3 kilomètres au Sud d’Iéna) un détachement prussien. Le 13, au point du jour, il continua sa marche sur Iéna, et, après un petit combat, en chassa le bataillon de Tauenzien qui l’occupait encore. Maître de la petite ville, il pousse des avant-gardes sur les hauteurs du Nord et dirige par le défilé du Muhlthal et les rampes de Cospeda une forte reconnaissance dans la direction d’Isserstedt et de Lutzeroda. Ces troupes s’engagent contre deux bataillons prussiens, bientôt soutenus par un autre bataillon, de la cavalerie et de l’artillerie qu’appelle Tauenzien. Hohenlohe lui-même arrive sur le terrain, apprend l’occupation d’Iéna par les Français, la marche de leurs tirailleurs sur les hauteurs, voit la situation, juge qu’il faut profiter de ses forces beaucoup plus nombreuses pour rejeter incontinent les assaillans sur la Saale, donne des ordres pour la marche en avant de toutes les troupes qu’il a aux environs et prépare une vigoureuse attaque. « Pour l’armée prussienne, dit le général Hopfner, c’est un moment décisif. »

Il était un peu plus de midi, et Hohenlohe allait ébranler ses colonnes lorsqu’il reçut des mains de son chef d’état-major, Massenbach, la dépêche de Brunswick lui prescrivant de rester dans sa position de Kapellendorff pour couvrir le flanc droit de la principale armée en retraite et lui donnant l’ordre formel de ne point attaquer. Le prince, paraît-il, laissa éclater son irritation ; mais il obéit. Les troupes déjà rassemblées ou en marche regagnèrent leurs cantonnemens. Des deux côtés, l’action faiblit et dégénéra en feux de tirailleurs qui se prolongèrent sans résultat jusqu’à la fin du jour.