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mesure aussi grave, après la manière dont il avait été désapprouvé la première fois, il fallait que Lannes eût un sentiment bien exact de la gravité de la situation et de la confiance de Bonaparte. Heureusement, dans cette occurrence, on le soutient et on l’aide. Talleyrand l’invite à demander que des Français ne portent plus les « anciens ordres » et à réclamer satisfaction pour l’insulte faite au pavillon national. En même temps, il adresse à M. de Souza une note d’un ton tout nouveau pour appeler son attention sur « différens faits aussi peu conformes aux dispositions que Son Excellence a plusieurs fois exprimées au nom de S. A. R. le Prince Régent, qu’ils sont peu compatibles avec les égards que les gouvernemens se doivent entre eux. »

D’où vient-il, ce changement de langage si complet dans le fond comme dans la forme ? Probablement de l’initiative même de Bonaparte, que Talleyrand accompagne en ce moment dans son voyage en Belgique, et qui, dans ce contact plus étroit, communique directement à son ministre des Relations extérieures la force de sa pensée et la netteté de son style. Puis, lors de la première rupture de Lannes avec la Cour de Lisbonne, la paix durait encore avec l’Angleterre et, désireux de la maintenir, Bonaparte sacrifiait volontiers à cette préoccupation le souci des réclamations de son représentant, pour légitimes qu’elles fussent. Aujourd’hui, c’est de nouveau la guerre avec la Grande-Bretagne, donc, plus de ménagemens à garder. Au contraire, il faut, d’une part, que les ports du continent soient fermés aux vaisseaux anglais ; que, de l’autre, partout où le nom anglais et le nom français sont en lutte, ce soit le français qui triomphe. Et à Lisbonne, le conflit est aigu.

C’est un courrier anglais qui arrive de Madrid apportant la nouvelle que l’Espagne a promis à l’Angleterre de maintenir sa neutralité et d’opposer, s’il le fallait, la force à la force. Ce sont les arméniens du Portugal, ses préparatifs de défense qui continuent toujours, Ce sont les émigrés qui reprennent courage ; ceux mêmes qui ont été rayés de la liste en France et ont été autorisés à y rentrer, quand ils sont de retour à Lisbonne, se font présenter chez Almeida par Coigny comme serviteurs de Louis XVIII. Le marquis de Novion, que sa fermeté et son intégrité ont rendu odieux aux Fidalgos, a été mis en prison, parce que ses hommes ont eu une rixe avec ceux d’un régiment de ligne. Et ce n’est qu’un prélude : la « faction