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c’est que celui-ci, dans le cas présent, a agi lui-même sur le Régent et, par Talleyrand, sur le ministre de Portugal à Paris.

L’affaire des soixante-huit prisonniers français retenus dans les cachots de la Tour de Belem a irrité le Premier Consul au plus haut point. De Namur, où il se trouve au moment où cette nouvelle lui parvient, il écrit coup sur coup à Talleyrand, « de remettre une note forte à M. de Souza pour vous plaindre du commandant portugais qui a retenu les soixante-huit Français plusieurs jours sans leur donner des vivres et a ajouté à leur malheur celui de les mettre en prison, et pour lui faire comprendre qu’en écrivant au ministre de la République, il prenne un stile (sic) plus conforme à la décence ; que l’on arme en Portugal ; qu’il y a de l’impudence à dire que le général Lannes n’a pas été attaqué ; que je ne puis voir dans toutes ces menées et dans les mauvais traitemens faits aux agens de la République que la haine de M. d’Almeida et des autres ministres ; que je suis instruit que le Portugal a donné 200 000 francs à des Chouans et autres rebelles ; que j’attends une prompte satisfaction pour ce brigandage ; que j’approuve la conduite du ministre de France dans cette circonstance ; que si le Portugal ne fait pas une sévère punition du commandant qui a osé retenir les soixante-huit prisonniers français en captivité, je serai obligé de considérer le ministère portugais, non comme gouverné par le Prince, mais par l’influence anglaise ; que je demande l’arrestation de Coigny et de tous les hommes qui favorisent le brigandage en France. »

Il fait plus. Comme s’il doutait de l’ardeur de son ministre, le lendemain, il écrit directement au Régent la lettre suivante, datée de Namur : « Je n’ai cessé de faire connaître à Votre Altesse Royale l’intention où je suis de vivre en bonne harmonie avec elle. Cependant, tant que M. d’Almeida, tout dévoué à l’Angleterre, sera en place dans la position actuelle où l’Angleterre fait une guerre injuste à la France, je ne puis m’empêcher de faire sentir à Votre Altesse Royale qu’il m’est impossible de considérer le Portugal comme puissance neutre ou amie, s’il n’est gouverné par Votre Altesse Royale, et non par des ministres tout à fait anglais qui ne cessent de se porter aux plus grands abus contre le commerce français ; et qui, même aujourd’hui, recommencent de nouveau et avec effronterie à se