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La menace produit son effet : deux jours après, le 27 frimaire (19 décembre), la convention est enfin signée : subside de 16 millions, payable de mois en mois, à partir du 9 frimaire) (1er décembre), — maintien des clauses commerciales, avec réciprocité de la part de la France, et de celles relatives au règlement des réclamations, et aux citoyens des républiques italienne et helvétique, — maintien de la neutralité du Portugal, — médiation de la France entre le Portugal et le Dey d’Alger. Lannes n’a cédé, en somme, que sur le chiffre et le mode de paiement de l’indemnité (mais en se tenant dans les limites de ses instructions) et sur le renvoi des officiers étrangers au service du Portugal. Seulement il a donné peu de précision aux clauses commerciales, et, avec son inexpérience de soldat à peser les mots, et à apprécier leur valeur relative, laissé les Portugais introduire, au lieu de l’expression « reconnaître, » celle de « maintenir » la neutralité du Portugal, ce qui change bien les choses, et engage Bonaparte plus qu’il ne le veut. Il s’est même laissé suggérer par les Portugais l’idée d’une intervention de la France pour leur faire restituer par l’Espagne la place d’Olivença, cédée au traité de Badajoz.

Lannes triomphe, peut-être avec un peu de naïveté ; mais il faut se représenter les difficultés de cette longue et pénible négociation, les alternatives de confiance et de réserve de la part du Régent, d’empressement et de mauvaise foi de celle des ministres, les intrigues de l’Angleterre et des émigrés. Pour Lannes, qui ne serre pas les choses de très près, l’ensemble du traité lui paraît avoir à la fois « un caractère utile et imposant : un subside n’offre jamais qu’une utilité momentanée ; les autres articles que j’ai voulu y ajouter sont bons pour tous les temps et deviennent un monument national que les soins du gouvernement peuvent et doivent consolider et aggraver… Je recevrai par la ratification du Premier Consul la plus douce récompense de mon zèle pour les intérêts de mon pays, et de mon dévouement à sa gloire personnelle. »

Hélas ! ce n’est pas une ratification à son traité que Lannes va recevoir de Paris. Car Talleyrand ne se résigne pas si facilement à voir lui échapper la direction des pourparlers qu’il aurait voulu mener lui-même par l’entremise et la médiation de l’Espagne. Mais, puisque Lannes a décidé la Cour de Lisbonne à préférer de conclure un traité formel, « dans le fait, ajoute