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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/70

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ou d’un pays tout entier, ne pourrait être menée à bien que par une collaboration réunissant les compétences les plus diverses. Quand, il y a dix ans, Waldeck-Rousseau, alors président du Conseil et ministre de l’Intérieur, forma la grande commission extra-parlementaire de la dépopulation, on y voyait fleurer, à côté des plus hautes notabilités du Parlement, des magistrats, des administrateurs généraux, des médecins, des moralistes, des professeurs, des économistes, des financiers, des statisticiens. Dans une enquête plus récente, on a successivement appelé en témoignage des sociologues, des économistes, des professeurs de droit et de médecine, un évêque.

Nous n’apportons ici qu’une contribution à l’étude de la question en Gascogne, ou plutôt la simple déposition d’un témoin attentif à suivre depuis longtemps les progrès du mal sur une population gravement atteinte. Après avoir insisté sur une conséquence peu connue de ce mal, qui augmente beaucoup sa nocivité, nous montrerons que la réduction des naissances, pratiquée d’abord dans un désir d’ascension sociale, a perdu peu à peu ce caractère pour en prendre un autre plus inquiétant ; nous étudierons enfin, en les suivant jusque chez l’enfant, les causes d’une mentalité qui conduit au suicide une race, naguère pleine dévie et de fécondité. Les premières pages pourront être réclamées par la médecine ; on trouvera dans les autres moins de chiffres et de statistiques que de psychologie, et ceux-là n’en seront pas étonnés qui pensent que le problème de la natalité est avant tout un problème moral.


I

Ce n’est pas que le sujet ne comporte des chiffres intéressans et des statistiques émouvantes. Mais tout le monde connaît l’effrayante infériorité de notre pays entouré de voisins dont les excédens débordent les frontières. Pendant que notre population reste stationnaire, l’Italie gagne tous les ans 350 000 habitans, la Grande-Bretagne 400 000, l’Autriche 550 000 l’Allemagne près de 900 000. Nous maintenons difficilement nos contingens en face de l’armée allemande qui, chaque année, peut se renforcer de deux divisions. Il y a véritablement en France une situation qui inquiète tout le monde et devant laquelle les optimismes les plus robustes se sentent ébranlés.