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De la malheureuse armée de Hohenlohe dont, par l’impéritie de son chef, pas un corps n’avait agi en liaison avec l’autre, restait encore une fraction intacte, la division saxonne de Zeschwitz. Cette division, forte de huit ou neuf bataillons, avait été postée, de grand matin, sur la forte position du Colimaçon aux débouchés du Muhlthal, afin de couvrir la droite prussienne en arrêtant au passage du défilé les troupes françaises qui s’avanceraient d’Iéna. Mais, au lieu de suivre le Muhlthal, le corps d’Augereau, on l’a vu, avait passé par le Cospedaer Grund, à deux kilomètres des Saxons, les laissant bien tranquilles et non moins inutiles. Vers onze heures, Zeschwitz reçut une dépêche de Hohenlohe l’invitant à se préparer à prendre l’offensive, mais à attendre pour commencer son mouvement que l’infanterie de Grawert fût arrivée à sa hauteur. Mais comme, par suite des attaques des Français, l’infanterie de Grawert n’arriva pas au point indiqué, Zeschwitz continua de rester immobile jusqu’après la défaite de Ruchel. L’Empereur ayant appris à Kapellendorf la présence en arrière de sa gauche de cette troupe isolée, fit marcher contre elle la 2e division de Ney (Marchand) et la 2e division d’Augereau (Heudelet) qui n’avaient pas encore donné et quelques régimens de cavalerie. D’abord, les Saxons se défendirent intrépidement, mais assaillis de front, de flanc et à revers et écrasés par le nombre, ils se débandèrent, s’enfuirent et allèrent grossir la nappe de fuyards qui s’étendait jusqu’à l’Ilm.

Là, aux abords de Weimar, le prince de Hohenlohe, décidément plus obstiné dans la résistance, qu’ardent à l’attaque, réussit à rallier quelques milliers d’hommes. Il espéra tenir assez longtemps dans cette dernière position pour protéger l’écoulement, par Weimar, des colonnes en fuite. Une vingtaine de coups de canon, la fusillade des tirailleurs, une charge de cavalerie disloquèrent vite cette barrière humaine. Le Prince fut blessé ; ses hommes reculèrent, firent demi-tour, et s’engouffrèrent en pleine fuite dans les rues de Weimar, poursuivis par les soldats de Ney, de Lannes et de Murat.

À trois heures, tout le champ de bataille était abandonné. Les Prussiens laissaient environ 12 000 tués ou blessés, 15 000 prisonniers, 200 pièces de canon et des centaines de drapeaux. À quatre heures, l’Empereur entra à Weimar occupé par le corps de Ney, puis revint coucher à Iéna.