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pas là une phrase inutile, une vaine précaution oratoire.) Avec le huitième ordre, qui est l’avant-dernier, nous arrivons aux arts mécaniques, aux métiers manuels. C’est l’ordre « des arts et métiers, » créés pour les divers usages et des particuliers et du public. Comme caractère commun, ceux qui s’y livrent ont « la connaissance de l’art ou métier qu’ils professent, et l’industrie et l’expérience pour le pratiquer. Mais il faut distinguer dans cet ordre une infinité de différens arts pour divers usages : pharmacie, chirurgie, imprimerie, architecture et charpente (qu’il est assez curieux de rencontrer ainsi rapprochés, et quelques-uns à cette place)… Et la multitude infinie des autres différens besoins rend nécessaire à proportion l’usage des arts de diverses sortes, tailleurs d’habits, chapeliers, cordonniers, menuisiers, serruriers, boulangers et autres ; ce qui les distingue et fait que, selon leurs usages, ils sont plus ou moins nécessaires, plus ou moins honnêtes. » Car la base, le criterium de tout ce classement des professions par Jean Domat, c’est « l’ordre même des besoins de la société[1]. »

Et c’est ce qui l’embarrasse bien quand il est obligé de donner le neuvième rang dans l’État, — le huitième des ordres laïques et le dernier, en somme, — à l’ordre de l’agriculture, « quoyque le premier en nécessité pour la vie de l’homme. » Il y faut distinguer d’abord l’agriculture elle-même et le soin des bestiaux ; puis distinguer encore « les jardiniers, laboureurs à

  1. Rapprochez cet autre passage (Le Droit public, livre I, titre XIII) : « On ne doit pas entrer ici dans le détail des distinctions, des différentes sortes d’arts et de métiers qu’on pourrait distinguer par diverses vues, comme de ceux qui travaillent aux choses nécessaires pour la vie, pour la santé, pour le vêtement, pour l’habitation de ceux qui travaillent pour d’autres sortes de nécessitez ou commoditez, soit pour le divertissement, comme les faiseurs d’instrumens de musique, ou pour des meubles de diverses sortes, ceux dont les travaux sont pour l’usage de la guerre, des armes, de l’artillerie, ou pour l’usage de la navigation. Ceux qui sont distinguez par le prix des matières qu’ils mettent en ouvrage, or, argent, pierreries, et autres matières précieuses ; ceux qui sont d’une plus grande étendue d’ouvrages, comme les charpentiers, les maçons, les taillandiers, les serruriers, et ceux qui ont leurs matières et leurs ouvrages plus bornés, comme les chapeliers, les gantiers, les cordonniers, et autres.
    « Il faut encore distinguer par une autre vue de certains arts qui renferment comme deux sortes de professions : l’une de ceux qui joignent à l’industrie de la main l’art d’inventer des ouvrages exquis en leur genre ; et l’autre, de ceux qui, avec peu ou point d’invention, travaillent sur ce que les autres ont inventé, et on donne le même nom aux moindres copistes : et il en est de même dans la sculpture, dans l’architecture, dans les mécaniques. Mais il y a une différence infinie entre ces grands inventeurs et les autres, dans ces sortes d’arts. Car ceux-cy sont peu distinguez de plusieurs artisans ; et les autres ont un mérite singulier, qui même en met quelques-uns au nombre des hommes illustres, selon qu’ils excellent. »