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science technique, aucune de ces vertus ou de ces conditions de vie esthétique, n’est le monopole des maîtres wallons au XVe et au XVIe siècle. Dirons-nous que le mysticisme lyrique fut le privilège de quelques grands wallons, et tout au moins de Roger de le Pasture ? Nous oublierions les maîtres de l’Adoration de l’Agneau et Thierry Bouts, si grave, si sensible, si religieux, et presque tous les maîtres flamands du XVe siècle. Le charme des mises en scène pittoresques, le goût du récit clair, spirituel, la multiplicité des accessoires finement traités, ne sont-ce pas là des mérites bien wallons, comme aussi cet amour de la forme si passionné et si exclusif parfois chez le maître de Flémalle, chez Gossart ? Mais nul ne poussa plus loin que Jean van Eyck l’amour de la forme, si ce n’est peut-être Hugo van der Goes, lequel, croit-on, en devint fou. Et ce n’est pas un Wallon qui créa la peinture de genre, mais un Flamand, Petrus Christus, plus prolixe dans la description de l’échoppe de saint Éloi que le maître de Flémalle dans celle de saint Joseph. Pourtant, c’est bien l’étude des mérites plastiques, linéaires et narratifs qui permettra de démêler l’originalité latente de cette peinture wallonne où l’on rencontre peut-être un peu plus de spiritualisme qu’en Flandre, de raffinement dans l’intervention et par momens même de drôlerie narquoise. Mais cette peinture, nous la considérons comme faisant corps avec la peinture des régions flamandes. Rien n’est changé de nos jours, à une étiquette près, l’art flamand étant devenu l’art belge. Constantin Meunier, Brabançon d’origine et personnifiant les spectacles tragiques de la Wallonie moderne, est le symbole même de cette antique et heureuse union.

Fierens-Gevaert.