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à cet égard qu’on calculait que M. Cambon vERrait M. de KiderlEn un matin et qu’on aurait une solution le soir. Il y avait là, évidemment, quelque ingénuité. Du côté allemand on attendait ; mais, à mesure que se rapprochait le moment où les conversations devaient être reprises, on se montrait plus soucieux. Était-ce un jeu qu’on jouait ? Espérait-on, au moyen de ces alternatives d’abord de confiance, puis d’appréhension et presque d’inquiétude, agir sur l’opinion de manière à la fatiguer et à la rendre plus conciliante ? Ces alternatives, qu’on ajustement comparées à la douche écossaise où le chaud et le froid se succèdent à intervalles réguliers, sont assez dans la méthode germanique ; mais peut-être n’a-t-on pas, suffisamment songé à Berlin que l’effet ne s’en faisait pas moins sentir sur les Allemands que sur les Français. « Nous autres Allemands, a dit l’Empereur dans un de ses derniers discours, nous avons les nerfs les plus solides. » L’événement n’a pas confirmé cette appréciation, et il semble bien que, pour le moment du moins, les nerfs de nos voisins ont plus mal supporté que les nôtres l’épreuve à laquelle nous avons été soumis en commun.

Delà négociation elle-même, on ne sait rien officiellement ; les deux gouvernemens sont restés muets ; ils se sont mutuellement promis de garder le secret de leurs pourparlers et ils se sont tenu parole. Il serait toutefois exagéré de dire qu’on ne sait rien du tout. En dépit des précautions prises pour le garder intégralement, une partie du secret transpire. La presse toujours aux aguets, toujours à l’affût des nouvelles, a beaucoup de moyens de se renseigner. Les hommes d’État les plus discrets le sont rarement jusqu’au mutisme absolu. Un mot qu’ils laissent échapper ouvre une piste où on s’engage, et on cherche. Nous savons aujourd’hui que, contrairement aux prévisions un peu naïves dont nous avons parlé plus haut, les conversations dureront encore quelque temps. Après avoir reçu les propositions françaises, le gouvernement allemand y a-t-il répondu par des contre-propositions formelles ou par des observations qu’il a faites à certains articles ? La seconde hypothèse est la mieux accréditée ; mais que ce soit la seconde ou la première qui se soit réalisée, le fait importe peu. Il est certain que le gouvernement allemand n’a pas accepté folles quelles les propositions françaises et que, sous une forme ou sous une autre, il en a contesté quelques-unes. Cela ne veut d’ailleurs pas dire qu’il les ait rejetées, mais seulement que la discussion sur elles est ouverte : dès lors, il n’y a nullement lieu de désespérer de l’accord final, et nous restons convaincus qu’on le désire à Berlin