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magée du Maroc qui n’était pas à elle avec la Tripolitaine qui n’était pas à nous. Ces arrangemens, où nous avons payé les autres avec la monnaie dont ils nous gratifiaient eux-mêmes, se font exactement équilibre, nous allions dire vis-à-vis. Mais cette dernière fois, ayant à traiter avec l’Allemagne, nous lui avons payé ce qui ne lui appartenait pas avec ce qui nous appartenait et ce que nous avions même acheté très cher, de notre argent et de notre sang. Cela fait une différence. Déjà l’opinion n’avait pas accepté sans regrets l’ahdication que nous avions faite au profit de l’Angleterre de nos traditions égyptiennes. Déjà ceux qui ont quelque prévision dans l’esprit s’étaient demandé si la présence des Italiens sur notre frontière tunisienne, frontière très longue et dont l’extrémité au Sud est peut-être mal déterminée, ne nous causerait pas quelques difficultés dans l’avenir. Mais c’est l’avenir, de même que l’Egypte, après les fautes finales que nous y avons commises, est le passé, tandis que le Congo est le présent. Certes, il ne vaut pas le Maroc ; on ne peut même établir aucune comparaison entre eux ; seulement, nous avions l’un et nous n’avons pas encore l’autre. Pour tous ces motifs, les sacrifices à faire au Congo nous ont paru lourds, d’autant plus que la maladroite lenteur des négociateurs allemands nous a donné tout le loisir d’en mesurer le poids. Il y a peu de temps encore, le Congo n’était pour l’immense majorité des Français qu’une expression géographique, et personne n’aurait prévu qu’ils devaient s’y attacher tout d’un coup avec tant d’ardeur. Mais ce qu’on n’avait pas prévu est arrivé, — fort heureusement à notre gré, car nos négociateurs en ont été fortifiés, — et il a été bientôt hors de doute que si nos arrangemens avec l’Allemagne dépassaient certaines limites, ils ne seraient pas ratifiés par les Chambres. Le gouvernement impérial s’est trouvé dès lors placé dans l’alternative, ou de diminuer ses prétentions, ou de renoncer à un accord devenu impossible. On sait sur quels points se portaient surtout nos préoccupations. La première demande allemande s’étendait sur tout le Sud du Congo, y compris le Gabon ; elle a provoqué en France une telle indignation qu’il a fallu y renoncer. L’Allemagne y en a substitué une autre, qui comprenait tout le moyen Congo Jusqu’à l’Oubangui à l’Est, en nous laissant le Congo du Nord et le Congo du Sud, séparés l’un de l’autre par la partie cédée. Notre colonie aurait été coupée en deux morceaux, sans continuité l’un avec l’autre. De plus, l’Allemagne serait devenue la voisine du Congo belge sur une longue frontière fluviale. L’opinion française n’a accepté ni l’une ni l’autre de ces conditions,