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est résulté. Cet arrangement, en effet, modifie l’Acte d’Algésivas, qui est aujourd’hui la charte internationale du Maroc et, pour modifier un acte diplomatique, il faut l’adhésion de toutes les puissances dont il porte les signatures. Elle nous sera d’autant plus vraisemblablement donnée que l’Allemagne y aura le même intérêt que nous et que ses alliés la suivront comme nous serons suivis par les nôtres. Il y a cependant, sinon une exception, au moins un cas particulier dont nous devons tenir compte, celui de l’Espagne. Le consentement de l’Espagne est indispensable comme celui des autres puissances, et plus même en ce qui nous concerne, puisque nous avons partie liée avec elle. Sa situation au Maroc, bien qu’elle s’applique à un territoire beaucoup moins étendu, n’est pas sans analogie avec la nôtre : aussi est-il à prévoir qu’au moment où son consentement lui sera demandé, l’Espagne y mettra pour condition qu’on lui reconnaisse les mêmes avantages qu’à nous. Il s’ensuivra une négociation délicate sans nul doute, mais qui aboutirait sans beaucoup de peine si, des deux côtés des Pyrénées, l’opinion n’était pas arrivée peu à peu à un degré d’irritation qui risque de devenir une gêne ou même une entrave. Nous ne disons pas qu’il n’y ait aucune faute, aucun tort de notre côté, et il faudrait s’en expliquer très loyalement avec l’Espagne ; mais n’y en a-t-il pas aussi du sien, et les malentendus qui ont pu se produire entre nous justifient-ils la violence que ses journaux déploient contre un pays voisin et ami, avec lequel elle vit depuis longtemps en bons termes ? Pourquoi nos rapports, qui sont si satisfaisans en Europe, ne le seraient-ils pas en Afrique ? Il n’y a malheureusement pas de Pyrénées, c’est-à-dire de frontière bien établie par la nature entre la partie du Maroc que l’Espagne occupe, ou qu’elle occupera dans l’avenir, et celle que nous occupons ou occuperons nous-mêmes ; mais ce que la nature n’a pas fait, le bon esprit des nations et de leurs gouvernemens peut le faire, et nous espérons qu’il le fera.

L’Espagne a pris possession de Larache et d’El-Ksar. Il n’est pas douteux que, d’après nos arrangemens avec elle, elle n’aurait dû le faire qu’après entente avec nous. Mais enfin, elle n’est allée que dans la partie du Maroc que nous avions abandonnée à son influence et il faut bien avouer que les circonstances atténuaient un peu, sur ce point particulier, la gravité du coup de canif qu’elle a donné au contrat. Il n’y a pas lieu de lui en garder une rigueur excessive, ni surtout de vouloir en tirer contre elle un parti abusif. A défaut de nos sentimens, notre intérêt doit nous faire souhaiter qu’elle soit