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de côté chez nous parce qu’ils coûtent cher. On en surveille tous les détails avec une attention extrême. Il faut dire que partout c’est l’industrie privée qui fabrique et qui vend à l’Etat. Elle exporte en même temps et fait ainsi vivre, aux dépens des pays importateurs, un grand nombre d’ouvriers. Nos poudreries n’en occupent pas assez ; aussi restent-elles généralement incapables de fournir à la marine les quantités que celle-ci demande. Le stock de mobilisation reste incomplet. En 1910, le département demandait 2 150 tonnes et n’en a reçu que 750. Comment aurait-il pu rebuter les munitions suspectes, n’ayant pas de quoi les remplacer ? On accuse les poudres étrangères de coûter cher ; la centaine de millions engloutis avec l’Iéna et la Liberté remonte quelque peu le prix des nôtres.

Sur un point, les étrangers nous ont dépassés. Leurs poudres, d’une forme plus pratique que la nôtre, brûle] mieux. Nous faisons des nouilles, eux des macaronis, des brins perforés dont la combustion est plus rapide et plus régulière. Invités à pousser les recherches de ce côté, nos bureaux, fixant au contraire une barrière au progrès, ont interdit de tirer dans nos canons avec une densité de chargement notablement supérieure à 0, 5 ; nos rivaux, grâce aux poudres tubulaires, peuvent atteindre 0, 75 : d’où gain dans la puissance des bouches à feu et la vitesse des projectiles.


VI

Après l’Iéna, on nomma une haute commission technique qui existe toujours et n’a encore rien produit. Les deux enquêtes parlementaires formulèrent des conclusions qui ne reçurent pas de sanction pratique. Il importe cette fois que la leçon de tant de catastrophes soit entendue, et qu’on fasse ce qu’il y a à faire, il faut encore qu’on le fasse entièrement : un simple geste esquissé pour la galerie pourrait abuser l’opinion, il ne tromperait pas le personnel naval, et les réalités de la vie maritime en montreraient bien vite l’insuffisance. On ne ruse pas avec le danger.

La première mesure nécessaire est la visite scrupuleuse, fagot par fagot et brin par brin, de toutes les charges actuellement à bord ou dans les magasins de la marine, et leur mise en surveillance semestrielle jusqu’au moment où les poudreries