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Mais le meilleur moyen, sinon le seul de les stimuler, est de les mettre en concurrence avec les initiatives libres. Le monopole est pour le progrès un péril qui n’a que trop fait ses preuves. Le rapport du général Gaudin sur l’affaire Maissin signale l’inertie du service des Poudres et son parti pris d’écarter sans examen toutes les critiques comme toutes les propositions d’amélioration émanant non seulement du dehors, mais encore de son propre sein. Aucun moment d’ailleurs ne serait plus que celui-ci favorable à la création d’usines privées : la marine se voit dans la nécessité de renouveler d’urgence tout son stock de munitions reconnu suspect ; c’est un énorme travail supplémentaire auquel nos poudreries d’Etat auraient d’autant plus de peine à suffire que les besoins créés par la simple augmentation normale de la Hotte semblaient jusqu’ici dépasser leurs moyens. Toutefois, la suppression du monopole ne signifie pas la disparition des poudreries publiques et pas davantage, à notre avis, celle du corps qui les dirige. Celui-ci a sa fonction propre et sa compétence trop spéciale pour ne pas garder son utilité. Que l’Artillerie déterre et la Marine aient chacune un établissement à elle, leur permettant des recherches autonomes, c’est fort bien ; mais ni l’une ni l’autre ne saurait fournir à toute sa consommation, à moins de transformer en chimistes une part importante d’un personnel militaire qui a d’autres aptitudes et un autre rôle. On a reproché aux poudriers comme aux ingénieurs d’artillerie navale leur origine polytechnicienne : en réalité, les erreurs mises en évidence par les accidens de la marine font le procès non des études poursuivies à Polytechnique, mais du fonctionnarisme scientifique et du monopole d’Etat. La valeur des personnes insérées dans ces organisations vicieuses n’est pas en cause, et dans le cas de la poudre B ne fait doute pour personne. Les ingénieurs des poudres seront les premiers à demander aujourd’hui les réformes qui s’imposent. Loin de les tenir en injuste suspicion, il conviendrait d’élargir leurs moyens d’étude, de les envoyer en mission à l’étranger, de faire faire à chacun d’eux un stage de quelques semaines en escadre et de les appeler soit annuellement, soit à l’occasion de tout bateau nouveau, à se rendre compte des dispositions intérieures des navires.

On les mettra de la sorte en contact avec la marine et les marins. N’empêche qu’il faut envisager l’attribution d’une