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l’armée, dont un général, quatre ingénieurs des poudres, trois ingénieurs d’artillerie navale et un seul et unique marin, simple lieutenant de vaisseau. Les autres, où à côté de l’armée l’Institut, le ministère des Travaux publics et celui des Finances sont représentés, comptent chacun un ingénieur d’artillerie navale et point de marins. Le bon sens eût prescrit de tout autres proportions. Les services d’utilisation doivent pouvoir non seulement faire entendre leur voix, mais encore la faire écouter, et disposer pour cela, dans les votes qui les intéressent, d’un nombre de suffrages moins restreint.

Tous ces progrès dans l’organisation rendront certes plus aisé l’accord des diverses spécialités techniques ayant à coopérer au même résultat, ou moins insolubles les conflits entre elles : ils ne feront pas disparaître ces conflits sans une action gouvernementale qui a manqué dans le passé. Si elle eût existé, les défauts du système administratif n’eussent pas empêché des ministres soucieux de l’intérêt national de se faire juges entre les services, de trancher leurs différends à la lumière du bon sens, et de coordonner dans la pratique les rouages insuffisamment liés. Mais il aurait fallu des esprits moins occupés des petites questions parlementaires. Les plaintes de la marine n’ont trouvé ni appui, ni audience. Rien ne la préservera de nouveaux malheurs si nos gouvernemens continuent à ne pas gouverner. Comme elle n’a pas de voix dans le concert électoral, il lui faut, en son ministre, un tuteur qui l’aime et la défende.

À ce prix, et quand on leur aura fait leur place et donné les moyens de la tenir, quand leurs représentans auront reçu la préparation indispensable pour pouvoir discuter avec leur fournisseur, les marins sauront, comme ont fait les artilleurs, imposer aux poudres les conditions nécessaires. Ils sauront obtenir l’essai des hautes densités de chargement et des vitesses initiales égales à celles des artilleries étrangères, adapter les munitions aux soutes et aux circonstances de la vie en mer, et même, espérons-le, écarter de leur héroïque personnel les dangers inutiles. Pour les autres, personne à bord n’y pensera plus, dès qu’on les reconnaîtra pour inévitables. Cela passera dans les risques du métier. Mais ceux-ci sont assez nombreux pour que la poudre B ne vienne pas plus longtemps en ajouter de gratuits.


GEORGES BLANCHON.