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desseins, caractère altier, tempérament fougueux, elle introduisait partout avec elle l’intrigue, le tumulte, souvent le scandale ; et cependant, à travers les aventures les plus compromettantes, elle savait se gouverner si adroitement, garder un front de dignité si lier, se réclamer de principes si généreux, qu’elle faisait aisément croire à l’honnêteté de ses mobiles. Elle n’en avait pas, d’ailleurs, de foncièrement mauvais. Le soin qu’elle prenait de cacher ses égaremens n’était pas qu’un feint respect de la vertu. Quand elle eut dissipé les superfluités de sa jeunesse, comme un vin versé de trop haut qui éclabousse, et dont la coupe ne garde rien, Mme de Cabris s’affligea de sa sécheresse et de son vide, et s’appliquant à remplir ses devoirs, elle prouva qu’elle était capable des plus difficiles qualités d’abnégation, de constance, de courage.

La suite d’épisodes que nous allons conter la montre assurément sous son jour le moins favorable ; elle y trouvera pourtant un commencement de réhabilitation. Et puis, dans cette période de sa vie, elle est si intéressante par l’ascendant extraordinaire qu’elle exerça sur son frère le futur tribun ! Entre elle et lui, l’amitié et la haine ne furent pas communes. Ce fut une crise passionnelle, comme une rudimentaire et crue ébauche du René de Chateaubriand. Le « cas » est le même au fond. Toutefois, que de dissemblances dans les caractères et dans les formes !

Mirabeau semble s’être épris de sa sœur aussi vivement qu’Amélie s’éprit de son frère. Et voilà déjà une notable interversion des responsabilités et des rôles. Mais il y a plus. Chez René, une profonde sensualité se spiritualise et s’épure presque