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Ces « sentimens contradictoires » se traduisaient par des opinions très nuancées (s’il avait le cœur bleu, ainsi que le dit justement M. Frédéric Masson, il l’avait assez large pour n’être à certains jours que « du parti de la France, ») et il les expliquait par ses origines disparates. Les Housset (l’orthographe du nom s’était modifié) étaient, confiait-il à M. Paul Acker, des « aristocrates, » des « réactionnaires. » Ces terriens de Picardie, — les Housset cultivaient, écrit l’historien lui-même, « la bonne terre » à Bruyères, dans l’Aisne, — descendaient d’un intendant d’Ancien Régime et restaient attachés aux choses d’autrefois. « Mais, ajoutait Houssaye, mon grand-père Maillefer, commissaire du Directoire, était de souche populaire et ma grand’mère maternelle, une élève de Prud’hon, avait épousé le chef d’escadron Bourgeois, aide de camp de Hullin, dit Bouffe-la-Balle et, en 1815, Brigand de la Loire. »

Ceux qui, avec raison, attachent grand intérêt à l’hérédité, feront, en toute cette ascendance, une place d’honneur à la grand’mère paternelle de l’historien de 1814. C’est Arsène Houssaye qui, cette fois, nous présente cette « bleue » que son petit-fils a lui-même beaucoup connue. « Comme beaucoup de femmes de son temps, écrit Arsène, ma mère avait l’idolâtrie de Napoléon parce qu’elle était romanesque et qu’il représentait son idéal épique. » Un jour de 1814 précisément, cette fille de républicains devenus bonapartistes s’aventura, enceinte du futur Arsène Houssaye, sur le champ de bataille de Laon, et, s’il faut en croire son fils, se jetant devant Napoléon « et lui montrant son sein, » elle lui cria : « Sire, mon mari se bat pour vous et il y a un soldat là. » Cette dame était bien de style Empire.

Ce qu’il y a d’assurément vrai, c’est qu’Arsène Houssaye fut élevé par sa mère dans le culte du « Héros, » auquel il resta fidèle, — ses Confessions en témoignent assez. Henry, de très bonne heure le confident de son père, a déclamé, dès l’enfance, l’Ode à la Colonne. Ne lui cherchons donc pas trop obstinément, dans les redoutes de Paris assiégé en 1871, un chemin de Damas.


Que ce capiteux Arsène Houssaye ait exercé sur son fils quelque influence et surtout qu’elle se soit exercée dans le sens héroïque, voilà qui paraîtra invraisemblable. De fait, le futur