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son âge courent à un rendez-vous d’amour. Il allait faire sa prière à Pallas Athéné.

Le 19 septembre 1868. Henry Houssaye, du pont du bateau, considérait, au soleil couchant, avec une émotion indicible, les côtes de l’Hellade ; le lendemain, à cinq heures du matin, il apercevait, sous la caresse du soleil levant, Athènes, la chère Athènes dont, il y a peu de mois, j’ai vu le nom rallumer une étincelle dans son regard presque éteint. D’avance il l’adorait ; elle dépassa son attente et porta son amour au paroxysme.

Dès la veille, son œil d’artiste avait embrassé d’une caresse les côtes du Péloponèse et ces chaînes de montagnes « modelées comme par Phidias. » « L’harmonie, écrivait-il, l’harmonie en tout, voilà la grande règle de l’art, de la poésie et de la politique des Grecs. De même que les premiers sculpteurs ont copié pour les frontons des temples divins les légères inclinaisons des versans des montagnes, de même la grande race des Hellènes a pris pour règle toute la magistrale harmonie que lui montraient les paysages. »

Après avoir fendu une « mer d’améthyste, » il débarquait au Pirée et, au trot de petits chevaux rapides, ne courant pas encore assez vite à son gré, il gagnait la ville de ses rêves entre cinq et six heures du matin. « La route est belle. On suit les ruines des Longs Mars construits par Thémistocle ; on passe à travers des bois d’oliviers et des vignes verdoyantes qui s’étendent à perte de vue. On a devant soi le Temple de Thésée, l’Acropole avec le Parthénon, l’Erektheion, le Temple de la Victoire sans ailes et les Propylées, enfin le Mont Lycabète et, à l’arrière-plan, l’Hymète, le Parnès, le Penthélique. Je ne veux pas, écrit-il à son père, te parler de ces admirables choses avant de les avoir vues ; je ne les ai encore qu’entrevues au galop de deux coursiers rivaux de ceux d’Hippolyte. »

Il était pris : lorsque, le lendemain, son compagnon de voyage lui parla d’un voyage projeté à Constantinople, il rejeta la proposition avec une sorte de scandale. Quitter Athènes, pensée sacrilège !

Dès lors, le voici battant la ville avec une ivresse joyeuse et presque délirante. Il monte à l’Acropole avec une sorte de respect touchant qui se peint en termes dévotieux. Jamais pèlerin ne mit tant de piété recueillie à s’agenouiller devant les reliques saintes. Parvenu au sommet « par le splendide escalier des