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se trouva que ce 1814, qui avait d’abord paru un volume se suffisant à lui-même, n’était que le prologue d’un drame splendide.


L’œuvre se présente en effet ainsi qu’une de ces trilogies grecques que Houssaye connaissait si bien.

Ce prologue, 1814, est déjà d’une incomparable grandeur. Le lion qui a porté la terreur jusqu’aux lointaines capitales est forcé dans ses terres : l’Empereur d’Occident qu’on a vu se battre dans les Sierras de Castille et sur les bords de la Moskowa, est menacé entre Marne et Seine. Alors il est redevenu le soldat, rien que le soldat. Quel soldat ! Aucune de ses campagnes ne vaut celle-là ! Et c’est le soldat de la nation qui, debout, faisant front, relève, replante le drapeau à chaque instant abattu. Il faut que, derrière lui, les coupe-jarrets conspirent pour que tout à coup, frappé dans le dos par la trahison, le héros tombe. Alors, c’est l’abdication, la relégation de César dans l’île de Sancho Pança, pendant qu’en France la première restauration, par l’acharnement même qu’elle met à l’outrager, prépare fatalement le retour du Dieu.

Nous connaissons par ce prologue tous les personnages du drame, quand, sur le premier acte de la trilogie elle-même, 1815, la toile se lève : Lui d’abord, les maréchaux fatigués, les politiciens traîtres, les soldats admirables depuis les jeunes colonels jusqu’aux grognards révoltés et jusqu’aux petits Marie-Louise d’hier, la Nation exaspérée qui gronde contre le « retour des seigneurs, » le gouvernement impopulaire qui tente, comme le dira Musset, de rouler la nation vaincue « dans un linceul blanc. »

Le premier acte de la trilogie, c’est le Vol de l’Aigle, le retour vraiment miraculeux de l’île d’Elbe, la marche merveilleuse d’un Dieu sortant du tombeau au milieu des dévots que sa vue jette dans la frénésie, précipite dans ses bras, prosterne à ses pieds, tandis que, dans la coulisse, les « traîtres » déjà dressent leurs pièges où prendre l’oiseau impérial.

Le second acte, c’est Waterloo qui remplit un volume : la « morne plaine » d’Hugo s’emplit une fois de plus, devant nos yeux, de « sombres bataillons. » Les terribles scènes qui se succèdent nous font passer par des espoirs fous et de tragiques anxiétés. Et après la charge où Ney brise la cavalerie épique,