Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/716

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dieu, oui ; la Constitution l’y autorise. « Le président de la République, dit-elle, négocie et ratifie les traités. Il en donne connaissance aux Chambres aussitôt que l’intérêt et la sûreté de l’État le permettent. » C’est la règle générale : des exceptions sont faites pour « les traités de paix, de commerce, les traités qui engagent les finances de l’État, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes et au droit de propriété des Français à l’étranger : » ceux-là « ne sont définitifs qu’après avoir été votés par les deux Chambres. » Enfin « nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire ne peut avoir lieu qu’en vertu d’une loi. » Qu’on relise tous les traités publiés depuis quelques jours, on verra qu’aucun d’entre eux n’avait besoin de la ratification des Chambres et que le gouvernement était libre de choisir le moment où il leur en donnerait connaissance. Sans doute on a fait beaucoup de traités secrets, et il est naturel que leur divulgation presque simultanée ait produit une impression pénible ; mais si on en a un peu abusé, ce n’est pas une raison pour en condamner sommairement le principe et l’usage. On fera toujours des traités secrets, et un gouvernement se mettrait dans un état d’infériorité notoire, s’il s’interdisait d’en conclure, tandis que les autres continueraient. Il y a en effet quelquefois des inconvéniens à prévoir tout haut certaines éventualités qui peuvent se produire ou ne pas se produire, arriver plus tôt ou seulement plus tard, des éventualités qu’il y a intérêt à retarder et qu’on précipiterait, au contraire, autour desquelles on déchaînerait de nombreux appétits si on en parlait publiquement, prématurément, imprudemment ; mais il y aurait des inconvéniens d’un autre genre à ne pas prévoir ces éventualités et à ne pas se mettre d’accord entre pays intéressés sur ce qu’on fera le jour où elles surviendront. L’exemple actuel est très explicite à ce point de vue. Certains symptômes permettaient de croire que l’Empire marocain se disloquerait un jour ; pouvait-on le dire sans appeler tout le monde à la curée, et la France, l’Angleterre et l’Espagne n’avaient-elles pas cependant le droit de se concerter en prévision de l’événement ? Qui leur reprocherait de n’avoir pas voulu être prises au dépourvu ? Qui leur ferait un grief d’avoir déterminé d’avance ce qu’elles feraient en pareil cas ? Évidemment un traité pareil ne pouvait pas être divulgué, et non moins évidemment il y avait intérêt à le conclure. Un gouvernement qui se priverait de cette faculté diminuerait sa puissance d’action prévoyante dans le monde, et les autres ne manqueraient pas de s’en prévaloir contre lui. Il n’y a donc pas lieu de reprocher au gouvernement de la