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les avoir acclimatées à leur sort nouveau, n’aboutissent qu’à la ruine générale.

Mon impression est en résumé la suivante : les communeux formaient un troupeau de misérables devenus enragés au contact de quelques bêtes féroces ; mais cette disposition à la rage a été causée par le peu de souci que nous avons eu d’améliorer la condition du peuple. La charité et la hausse des salaires n’ont été que des expédiens ; c’est un rapport plus efficace entre le capital et le salaire qu’il s’agit de découvrir et d’admettre. Mais, hélas ! ces problèmes sont étouffés pour longtemps ; l’indigence nous rendra les mêmes services qu’auparavant ; elle forcera l’ouvrier à reprendre l’outil aux conditions que nous lui ferons.

Je suis plein d’horreur pour la Commune, mais je ne puis me défendre d’une espèce de dégoût pour le triomphe joyeux et sans dignité de certains journaux. Tout cela est si triste, si affreusement triste ! Qui peut avoir la conscience en paix aujourd’hui, si ce n’est l’ouvrier laborieux et juste, assez bien doué pour avoir résisté aux suggestions de l’envie et de la pauvreté, assez intelligent pour avoir pu rester honnête entre les conseils d’un Pyat et les exemples d’un Bonaparte ? Un tel ouvrier est le seul homme en France qui ait encore le droit de lever la tête. Pour moi, rêveur débile, je suis honteux, je sens que je jouis des fruits d’une injustice ancienne et constitutionnelle dont les gens de ma classe n’ont pas conscience, mais dans laquelle je sais lire maintenant ; j’apprendrais ma ruine avec le chagrin de l’égoïsme, mais sans avoir l’impudeur de m’en plaindre, puisque je ne dois pas ma fortune à mon travail. Si nous n’avons pas l’énergie, ayons au moins la sincérité.


1876.

Madame et excellente amie,

Les raisons que vous avez bien voulu donner à Mme Ackermann de mon apparente indifférence sont les vraies. J’ai plusieurs fois résolu d’aller la voir sans arriver à le faire, d’autres obligations sont nées pour moi, je suis toujours en retard pour les politesses à faire et les réponses à rendre, ma correspondance est devenue trop lourde et mes amis sont négligés pour