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dont les familles se sont éparpillées autour de Deni-Ounif. Un chameau étique, trois mulets et trois ânes suffisent pour porter le matériel de campement, les ustensiles de cuisine et le mobilier très sommaire de la petite communauté.

Les cinq hommes et un fils de quinze ans possèdent chacun un fusil et un bon cheval. Un troupeau de quarante moutons et cinq vaches est visiblement insuffisant pour assurer la subsistance de ces trente individus. La principale industrie de ces nomades, qui n’ont pas de terres, qui ne se louent pas comme ouvriers, ne peut être que la maraude : ils vont la nuit voler du bétail ou récolter des légumes et des fruits dans les jardins des ksour.

Ce matin, les habitans de Zenaga ont invité nos hôtes à ne pas séjourner dans le pays. À Figuig, les propriétaires de jardins me disent qu’ils monteront la garde ce soir dans les tours en pisé qui, plantées dans les propriétés sur la lisière de la palmeraie, permettent d’en surveiller les abords. On ne redoute pas seulement Hadj Mohammed, mais les 50 rôdeurs nomades arrivés en même temps que lui et qui errent dans le pays.

Les femmes plantent les tentes, vont chercher de l’eau, du bois, et sont en outre chargées de la surveillance et de l’entretien du troupeau : ce sont elles qui travaillent la laine et fabriquent les burnous. Tout le ménage, l’entretien et le renouvellement des vêtemens, du campement, du mobilier constitué par quelques tapis, des ustensiles en bois et en terre, est de leur ressort. Dans les déplacemens, les femmes voyagent à pied, tandis que les hommes sont à cheval.

Ceux-ci ne font aucun travail : chaque soir ils se partagent en deux groupes : l’un qui reste aux tentes, surveillant et protégeant les femmes et le troupeau, l’autre qui part en maraude. Cette famille représente bien le prolétariat du nomadisme, — ces gens-là ne possèdent ni un coin de terre, ni les moyens de transports, chameaux et mulets en nombre suffisant pour être organisateurs de caravanes. Ils ne produisent rien et n’achètent rien ou presque rien. Ce sont des parasites. Leur existence tend à devenir de plus en plus précaire et misérable : pourchassés par les habitans des villes et des villages, reçus la nuit à coups de fusil par les propriétaires qui font bonne garde, ils n’auront bientôt plus d’autre ressource pour vivre que le travail. Les aptitudes de la race lui permettent-elles une transformation