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miraculeuse ! Lui, pourtant, n’y regarda qu’avec une moue dédaigneuse : Louise et Briançon lui échappaient toujours, Devait-il relancer le filet tout de suite ? il le voulait : on l’en empêcha. L’opinion fit peur à son entourage. Paris était effaré, scandalisé, par cette profusion d’ordres du Roi. On pariait que le parlement s’en mêlerait.

Le marquis demeura une semaine encore à la campagne pour laisser tomber ce haro. Il s’y sentait bien tranquille et ne bougeait pas ; son ami Maurepas, dont le rapport avait entraîné l’adhésion du Roi à ces mesures, se portait garant de leurs conséquences. Mais dès son retour à Paris, dans les premiers jours de juin, il eut lieu de regretter son inertie. Entre temps, l’heure de Louise avait sonné. Elle était rentrée en scène. Après avoir forcé le secret où sa mère étouffait d’impuissance et de rage, elle remuait en faveur de la malheureuse et la Cour, et la ville et le parlement. Or, cette maille du secret rompue, tout risquait de se défiler. Le marquis manda aussitôt au bailli (3 juin 1777) :


J’ai trouvé au bout de huitaine d’absence force ébranlement et un impegno auquel je vais tâcher de mettre ordre. Regardant ce serpent Honpelime comme le principe de toutes les catastrophes et comme celle qui a perdu à forfait sa mère et son frère, je voulais constamment la faire du moins renvoyer à son couvent de Lyon, choisi de l’aveu de son mari, et faire chasser de Paris son Briançon fort recommandé à la police. Du Saillant s’y est toujours opposé, disant que j’avais sans cela assez à faire, que ce serait une Saint-Barthélémy, que je n’avais que faire de me mêler de celle-là, etc. Quoique je pensasse qu’il y avait dans son opinion un peu de fausse peur, attendu que Briançon a dit l’année passée aux exempts qui couraient après le frère que s’il arrivait quelque chose à la sœur, je ne périrais jamais que de sa main, cependant j’ai cédé à son avis… Du Saillant assurait que cette femme, ne voyant plus sa mère depuis l’hiver, prendrait son parti quand elle la verrait enfermée. Je hochais la tête et attendais. A peine étais-je parti pour Boissy qu’elle a demandé à voir sa mère. M. de Maurepas, qui n’était point prévenu, a dit qu’il était difficile d’empêcher une fille de voir sa mère, et on l’a permis. De là, avec une Mme de Vassan, elle est venue chez M. Lenoir. Enfin la voilà en plein tracas, jouant le rôle de bonne fille, écrivant à cent personnes, etc. Alors du Saillant a été bien honteux et bien effaré, et puis moi moins. Mais cependant, je ne sens pas moins qu’on m’a fait troquer l’avantage d’une offensive en règle et naturelle, contre une défensive on je trouverai des difficultés. Je demande que ne pouvant montrer aucun aveu de sa famille pour son retour (à tirasse), elle, soit renvoyée au couvent de la Déserte qu’elle avait choisi à Lyon avec la permission de son mari, et que Briançon, vrai gibier de police, soit chassé d’ici. Je déclare que le mari étant devenu faible de cerveau et sa maison en pleine anarchie, je demeure tuteur