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POÉSIES


LE PREMIER BAL


LEGENDE ATTIQUE


Les Hommes ignoraient la musique et le chant,
Le rythme, écho du cœur, qu’on sent battre en marchant,
Par qui, de sons réglés, la strophe se compose,
Comme fait, par l’accord des nuances, la rose.
Ils ignoraient la danse aimable, aux pas légers,
Que guide, à ses refrains, la flûte des bergers,
Ne sachant que hurler en balançant leurs têtes,
Et trépigner en grimaçant, tels que les bêtes.
En vain, à temps égaux, la source distillait,
Dans les rochers, le clair babil de son filet,
Et sous l’aile du vent palpitaient les ramées :
Leurs oreilles étaient, comme leurs cœurs, fermées,
Et, dans la nuit, l’hymne amoureux du rossignol
Montait, sans qu’un soupir le suivît en son vol.
Joie et douleur glissaient sur eux sans leur rien dire.
L’invincible Aphrodite en perdait son sourire
A voir des couples, sains et jeunes, échanger
Au hasard, un baiser farouche et passager
Avec des cris affreux, des coups et des blessures
Comme tigres en rut sous les jungles obscures.
… Las de traîner, sans but, leur sottise à pas lourds,
Les Hommes s’ennuyaient dans la lenteur des jours.
Apollon eut pitié de ces brutes obtuses.
Un matin, au printemps, il convoqua ses Muses