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sans l’ombre d’un regret ni d’un remords pour l’abîme de cruelle déception où il l’a plongée.

Voici maintenant Nathalie aux genoux du Grand Électeur ! Hélas ! que peuvent toutes ses larmes, et celles de l’Électeur lui-même, devant l’inexorable volonté de la loi et de la discipline ? Mais, tout d’un coup, l’Électeur apprend de la jeune princesse avec quelle passion affolée le prince de Hombourg s’accroche à la vie : aussitôt l’expression de son visage s’adoucit, et le voilà qui rassure et console Nathalie, en lui promettant la grâce du prisonnier ! « Tenez, lui dit-il, allez lui porter ce billet ; et sûrement il profitera à l’instant de la liberté que je viens de lui offrir ! » Après quoi, nous voyons Nathalie, rayonnante de joie, pénétrer dans la cellule du prince de Hombourg ; et, de nouveau, nous assistons à une scène d’un imprévu et d’une force dramatique incomparables :


Hombourg, s’élançant au-devant de Nathalie. — Eh bien ! parlez vite, que m’apportez-vous ? Vite ! que va-t-il m’arriver ?

Nathalie. — Rien que de bon, rien que d’excellent ! Vous êtes gracié, libre ! Voici une lettre de sa main qui le confirme !

Hombourg. — Ce n’est pas possible ! Non ! c’est un rêve !

Nathalie. — Lisez ! lisez la lettre ! Vous verrez vous-même ce qui en est !

Hombourg, lisant. — « Mon cher prince de Hombourg, lorsque je vous ai fait arrêter, pour votre désobéissance à mes ordres, je croyais simplement accomplir mon devoir, et avais compté à coup sûr que vous m’approuveriez. Mais que si, au contraire, vous êtes d’avis qu’une injustice a été commise à votre égard, en ce cas, je vous en prie, dites-le-moi d’un mot, et tout de suite je vous renverrai votre épée ! « (Un silence. Le prince regarde Nathalie comme pour la questionner.)

Nathalie, qui d’abord avait pâli, mais dont le visage a repris soudain une expression joyeuse. — Eh bien ! vous voyez, lui-même vous l’écrit. Rien qu’un seul mot de vous, et c’est la liberté ! Ô cher ami, quel bonheur ! (Elle lui prend la main et la serre tendrement.)

Hombourg. — Ma chère Nathalie !

Nathalie. — Oui, c’est pour moi un bonheur si parfait ! Vite, tenez, voici une plume ! Prenez-la, et écrivez !

Hombourg. — Et la lettre est signée, oui, tout est bien en règle ?

Nathalie. — Signée d’un F, sa griffe ordinaire ! N’est-ce pas que vous êtes heureux ? Oh ! la bonté de mon tuteur est infinie, je le savais bien ! (Aux gardes.) Approchez une chaise de la table, vite ; le prince va écrire !

Hombourg. — Il dit que, si vraiment je suis d’avis…

Nathalie, l’interrompant. — Mais oui ! Allons, vite, mettez-vous là ! Je vais vous dicter la réponse !

Hombourg, après s’être assis devant la table, et avoir pris la plume. — Tout de même, il faut encore que je jette un coup d’œil sur cette lettre !