Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/953

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Edward Grey et du comte Wolff-Metternich. « Je dis, le Cabinet ayant délibéré (c’est le ministre anglais qui parle), que nous ne pouvions nous désintéresser du Maroc, ni de nos intérêts dans ce pays et de nos obligations envers la France. Une situation nouvelle, ajoutais-je, lui a été créée, — au gouvernement britannique, — par l’envoi du navire allemand à Agadir. Ses développemens futurs pourront affecter les intérêts anglais plus directement que par le passé. Nous ne pouvons reconnaître des arrangemens nouveaux conclus en dehors de nous. À partir de ce moment, s’ouvre une période de silence. »

Pour le rappeler en passant, cette « période de silence » est assez bien dans les traditions ou dans les usages de la Wilhelmstrasse. C’est un vestige de la manière bismarckienne : tonner très fort, puis se taire pour écouter rouler les échos et jouir de l’effet. Un silence pareil avait coupé, par exemple, en juin 1904, trois longues semaines durant, la crise franco-allemande préalablement portée à son point aigu. Mais ici, voici quelle est, entre l’Allemagne et l’Angleterre, au matin du 21 juillet, la situation diplomatique. Sir Edward Grey a, depuis dix-sept jours, averti le comte Wolff-Metternich, qui a dû en faire part à son gouvernement : 1o que le Cabinet anglais a délibéré de l’affaire ; 2o qu’il ne saurait se désintéresser du Maroc ; 3o qu’il a et conserve dans ce pays des intérêts ; 4o qu’il entend tenir ses obligations envers la France ; 5oqu’il n’acceptera pas, pour l’avenir, qu’on s’arrange à part et en dehors de lui. Toutes distinctions faites et toutes nuances gardées, c’est la situation de 1904 retournée, par un chassé-croisé où l’Angleterre a pris la place de l’Allemagne et l’Allemagne la place de l’Angleterre. La crise de mai et juin 1904 avait été en effet provoquée par le fait, ou elle avait éclaté sous le prétexte, que l’Allemagne avait été mise à l’écart de l’accord anglo-français du 8 avril sur le Maroc. Procédé qu’elle avait jugé aussi cavalier dans la forme que dommageable en ses conséquences. À présent, venant d’elle, de l’Allemagne, par un retour des choses qui n’était pas plus juste, l’Angleterre ne le trouvait pas plus galant. Et elle allait le dire tout haut, mais non sans prévenir. Le 21 juillet, sir Edward Grey convoqua une deuxième ou troisième fois M. de Wolff-Metternich. « Hier, lui dit-il, une cession du Congo français a été demandée, cession qui est impossible. Les négociations continuent, nous en souhaitons le succès. Si elles échouent, la situation sera tout à fait embarrassante… Si les conversations avec la France n’aboutissent pas, nous aurons à protéger nos intérêts, à devenir partie dans la discussion. De toute manière, sir Edward Grey avertissait