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agressifs contre d’autres nations). Je ne crois pas à l’existence de ces desseins agressifs. Mais il est naturel que ses actes soient surveillés par les autres pays (la seconde traduction porte ici : tout ce que désire l’Angleterre et les autres nations voisines de l’Allemagne, c’est de vivre avec elle sur un pied d’égalité). »

La politique de l’Angleterre, au jugement de sir Edward Grey, ne doit être ni offensive, ni associée à une politique offensive, mais elle ne peut davantage être enchaînée à la formule : En aucune circonstance, quelle que soit la provocation à laquelle soit sujet un de nos amis, nous ne devons lui prêter d’assistance. Encore une fois, si ce n’est pas une politique d’alliances, c’est une politique d’amitiés. Et cela suffit pour que ce ne soit plus la politique du « splendide isolement, » ce qu’elle ne peut plus être, parce que s’isoler aujourd’hui, si splendidement que ce soit, dans l’Europe telle qu’elle est faite, serait liguer tous les autres contre soi. Se poser, dans cette Europe contemporaine, en face des autres nations et en marge de tous leurs groupemens ou de tous leurs systèmes, serait se constituer de soi-même à l’état de danger public. C’est alors qu’il faudrait « construire des cuirassés, non plus pour faire équilibre à une coalition de deux puissances, mais pour faire équilibre à toutes les marines de l’Europe unies contre nous. » Par conséquent, des amitiés et, par conséquent, fidélité aux amitiés éprouvées. S’isoler, se retirer dans son île, derrière son « canal, » ne gagnerait même pas à l’Angleterre l’amitié de l’Allemagne. Ce n’est pas en désertant les vieilles amitiés que l’on peut acquérir de nouvelles amitiés, tout au moins de nouvelles amitiés dignes de ce nom. Concluons-en donc de nouvelles, mais non aux dépens des anciennes. « Je désire tout faire, prononce lentement sir Edward Grey, pour améliorer nos relations avec l’Allemagne, mais les amitiés dont nous jouissons aujourd’hui durent depuis quelques années, et la condition essentielle de toute amélioration dans les relations anglo-allemandes est que nous n’ayons pas à sacrifier une de ces amitiés déjà anciennes. »

Au surplus, pour l’Angleterre même, ses ambitions coloniales ont à peu près touché leurs bornes. C’est du moins l’avis de sir Edward Grey. « La sagesse recommande à ce pays désormais de s’étendre aussi peu que possible, surtout en Afrique. » Des rectifications de frontières, à l’occasion, oui, sans doute, mais pas, mais plus de politique d’expansion. Si de grands changemens territoriaux viennent à se produire dans les parages où l’Angleterre est établie, elle ne