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les yeux fixés sur cette tache sombre qui dans le mur marque l’entrée de Zinder.

Tout à coup, ils tressaillent ; là-bas, des cris s’élèvent. Est-ce que ce sont des acclamations en l’honneur des blancs ? N’entend-on pas, au milieu de ces cris, la voix du capitaine ?

Maintenant des hurlemens passent par-dessus l’enceinte. Ces hurlemens ont un accent de triomphe. Et voilà des cavaliers qui se précipitent, clamant leur victoire : les blancs sont morts ; que leurs hommes s’en aillent.

Le sergent ne peut douter de la vérité de cette nouvelle. C’est bien l’appel de son officier qui, tout à l’heure, est venu jusqu’à lui !

A peine entré dans la ville, Cazemajou a été assommé à coups de bâton avec son interprète.

Le capitaine est tué, mais les tirailleurs n’abandonnent pas leur chef, même quand il est mort. Il leur faut le corps de leur officier. Sans hésiter, Samba Taraoré dit au caporal Kouby Keila de garder le campement, et avec un homme il se dirige vers Zinder.

Saisi aussitôt et conduit devant le Sultan, il exige de lui les cadavres de ses chefs. Ahmadou, dans un éclat de rire, ordonne d’enchaîner les audacieux.

Près du convoi, le caporal attend toujours le retour du sergent. Il devine que Samba est prisonnier. A son tour de prendre le commandement. Sur son ordre, les tirailleurs construisent un retranchement ; en quelques minutes, des abris sont creusés, les ballots du convoi renforcent les parapets, forment des barricades. En face des murailles de Zinder, hautes de 8 mètres, abritant des centaines de guerriers, se dessine sur la colline, comme un trait d’ombre, la ligne mince de la tranchée des 16 tirailleurs.

Kouby Keita n’a pas l’intention de s’en tenir à la défensive ; il veut son sergent et les corps de ses officiers.

Dans les indigènes du convoi, il choisit un interprète et l’envoie porter son ultimatum au Sultan : « Si les prisonniers ne sont pas rendus immédiatement, il prendra et brûlera Zinder. »

Ahmadou est bon prince, il n’en veut pas à ces noirs. La sommation lui semble tellement bouffonne qu’il ne peut se fâcher. Même, la grandeur du geste de ce petit tirailleur ne lui échappe pas ; il n’y voit pas de l’impudence, mais seulement une présomption folle.