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Lequel parmi ses chefs oserait avoir une pareille témérité ? Il arrête ses guerriers prêts à venger l’offense et se contente de ne rien répondre.

Ce silence est une nouvelle insulte pour Kouby Keita. Il attend la nuit et, lorsque tous les bruits ont cessé, à la tête d’une patrouille, il s’avance vers Zinder. Les hommes portent des bottes de paille et des perches, lui-même tient un tison à la main.

Les palais et les maisons du centre de la ville ont des toits plats en terre battue, mais près de l’enceinte, les cases des faubourgs sont recouvertes de chaume. Kouby l’a remarqué. Il ne peut enfoncer la grande porte du tata ; à l’aide des perches dont il s’est muni, il fera tomber des torches enflammées sur les paillotes. Il se dissimule ; l’ennemi a peut-être une sentinelle sur la colline de rochers dominant la ville ; il se glisse sous les murs, parvient à l’endroit qu’il s’est fixé, et rapidement exécute son plan.

Illuminé, par les flammes qui s’élèvent, crépitent, tendent un voile de feu sur les palais de Zinder, Kouby Keita, calme, suivi de sa patrouille en ordre, regagne son campement. Et la population réveillée en sursaut, sortie de la ville, contemple, terrifiée, ces cinq hommes qui montent la pente de la colline d’un pas égal sans même tourner la tête.

Au lever du jour, le sergent Samba et le tirailleur étaient remis en liberté. Mais le Sultan rendait ces deux hommes parce qu’il les voulait tous ; il voulait ces guerriers que rien ne pouvait effrayer. Il leur donnerait le commandement de son armée, il les paierait ce qu’ils demanderaient. Il comprenait que par la force il ne les prendrait pas vivans.

Les cavaliers, en ramenant le sergent, firent part aux tirailleurs des offres de leur maître.

Samba n’a pas besoin de consulter ses hommes. Tous ont bondi sous l’outrage :

— Nous ne sommes pas à vendre, rendez-nous les corps de nos chefs.

Les cavaliers rentrent à Zinder et rapportent au Sultan la réponse des tirailleurs.

La journée se passe. Les portes de Zinder restent fermées. Le lendemain, elles ne se rouvrent pas. En vain, derrière son retranchement, la petite phalange attend les cadavres des blancs.

Le soir, Kouby Keita, sur un autre point de la ville,