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pays du sel. Chargées de vivres de toute sorte, mil, riz, karité, manioc, noix de kola, poteries et calebasses ; approvisionnées de tissus soudanais, pagnes de Ségou et couvertures du Macina ; récoltant sur leur passage les troupeaux des nomades, elles vont porter la vie au centre du Sahara. Elles y prennent en échange le précieux sel extrait des mines sous forme de plaques longues de 1m, 20, larges de 40 centimètres, et semblables à de grandes plaques de marbre ; le précieux sel que les pirogues de Tombouctou déposeront ensuite dans tous les ports du Niger et de ses affluons, d’où il se répandra à travers le Soudan par des convois d’Anes, de bœufs ou de porteurs.

Taoudenni, disent les indigènes, est un nom composé de trois mots arabes : « Ta ou denni ; — charge et cours. »

Ce jeu de mots pourrait être justifié par la valeur du sel, inappréciable dans toutes les régions qui en sont dépourvues. La barre qui pèse de 30 à 35 kilos, et vaut déjà 30 francs à Tombouctou, se vend jusqu’à 70 et 80 francs aux environs du Tchad. « Emporte ces barres de sel, et va vers ceux qui les attendent et les achèteront au poids de l’or. »

La traduction arabe s’expliquerait aussi par la pauvreté, l’aridité de Taoudenni : Charge, et quitte ce triste séjour, où les dunes de sable gris sont tellement dépourvues de toute trace de terre, de toute végétation, que les maisons construites en blocs de sel sont recouvertes de peaux de chameaux, et que les habitans vivent uniquement des dattes du Maroc ou des grains du Soudan.

Mais le véritable sens parait être donné par le danger toujours présent sur la route de Taoudenni : Prends et cours, afin d’échapper aux pillards marocains et tripolitains toujours en quête de caravanes à détrousser, de troupeaux et de chameaux à voler.

Dans ces parages, en effet, les caravanes étaient autrefois la proie des rezzous. Aujourd’hui, si notre occupation n’a pu encore supprimer ces bandes, qui sont parfois de véritables expéditions, du moins nous en surveillons la formation, et les escortes fournies assurent la sécurité des convois.

Au mois de novembre 1900, l’Azalay était parvenue à Araouan, à peu près à moitié route de Tombouctou et de Taoudenni : le 14, la compagnie du capitaine Grosdemange devait prendre les devans et la précéder.