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VII

Ces relations restèrent pourtant très cordiales jusqu’à leur terme et Mannlich va nous fournir un dernier l’enseignement inédit qui pourra trouver sa place dans une fut un ; biographie de Diderot. — Indiquons d’abord ici que la comtesse de Forbach, dont la situation sociale tout entière reposait sur les liens qui lui attachaient le duc Christian, s’inquiétait à bon droit pour la santé de ce prince de la passion qu’il montrait pour la chasse à courre, passion à laquelle on put en effet attribuer sa fin prématurée quelques années plus tard. Elle cherchait donc à lui procurer pendant la belle saison dans sa résidence les plaisirs beaucoup plus paisibles du théâtre, et elle conçut à cet effet une idée bien digne de germer dans l’atmosphère à la fois patriarcale et despotique qui pesait sur ces petites cours allemandes du temps passé. En vue de recruter à bon compte des actrices ou chanteuses de talent pour son théâtre de société, elle imagina de marier tous les jeunes gens qui vivaient des bienfaits du duc, à savoir son propre frère Fontenet, un certain Fleury, précepteur de ses fils, Mannlich lui-même et autres personnages de même situation sociale à de jeunes Parisiennes dépourvues de fortune, mais honnêtes, aimables et montrant quelque disposition pour les arts. On aurait de la sorte à Deux-Ponts sans aucuns frais une troupe excellente et très propre à retenir plus souvent au foyer le prince trop ami de chevauchées dangereuses.

A Mannlich, la comtesse destina tout d’abord une certaine Mlle Duchesne dont il eut grand’peine à repousser les avances. Il se retrancha sur un amour encore vivant dans son cœur pour une charmante jeune fille française qu’il avait connue à Parme, lors de son retour de Rome et qu’une grave maladif ; empêchait seule de devenir sans délai la compagne de sa vie. Mlle Duchesne fut donc mariée à Fleury, le précepteur, et Mannlich put respirer quelques mois. Mais Mme de Forbach lui découvrit bientôt un autre parti : il ne s’agissait de rien moins cette fois que de Mlle Diderot en personne, la future Mme de Vandeuil, dont nous avons dit qu’elle avait conquis les bonnes grâces de la comtesse alsacienne. Notre peintre parvint une fois de plus à gagner du temps et n’eut pas sujet de s’en repentir,