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ferment nos frontières. Il doit gouverner pour la justice non seulement politique, mais industrielle. Nous ne voulons pas que ces principes soient de pure abstraction ; nous voulons les pratiquer, comme nous pratiquons l’honnêteté et l’équité. » Tout cela n’est peut-être pas bien clair. Est-ce pour le rendre plus intelligible que M. Roosevelt a donné pour emblème à son parti un beau, vigoureux et rapide animal, l’élan ? C’est parler aux yeux, ce qui, en campagne électorale, est peut-être plus facile et plus efficace que de parler aux esprits.

Sera-t-il suivi jusqu’au bout par la majorité de ses partisans ? L’entreprise où il s’est jeté est périlleuse. Son but unique est d’arriver à la présidence ; mais par quel chemin ? Pour commencer, il a coupé en deux le parti républicain et il l’aurait irrémédiablement affaibli, s’il en restait là. Les chances du parti démocrate en seraient augmentées d’autant. Que veut-il donc et qu’espère-t-il ? A peine la Convention républicaine de Chicago avait-elle terminé ses travaux que la Convention démocrate de Baltimore ouvrait les siens. Qu’allait-il s’y passer ? Le parti démocrate est très divisé lui aussi ; il a un grand nombre de candidats dont aucun ne s’impose par une autorité et une notoriété supérieures. Qui sait ? qui sait ? M. Roosevelt fait appel aux progressistes de tous les partis ; il dirait volontiers, pour simplifier les choses, aux honnêtes gens de tous les partis, à ceux qui condamnent le vol, à ceux qui ne pratiquent pas la fraude, enfin aux mécontens, il y en a toujours et partout. Son rêve est entre les deux vieux partis historiques de l’Union américaine d’en constituer un nouveau qui s’enrichirait à leur détriment. Il en sonne le ralliement autour de sa personnalité attirante et débordante. Il dirait volontiers : « Moi seul et c’est assez ! » Les mêmes scènes qui s’étaient passées à Chicago se sont reproduites à Baltimore. Au moment où nous écrivons, la Convention n’a pas encore désigné son candidat à la présidence de la République, mais elle a élu son président, M. Parker, contre M. Kern que proposait M. Bryan et contre M. Bryan lui-même que proposait M. Kern.. A Baltimore comme à Chicago, le parti avancé a été battu par le parti modéré. Rien ne pouvait mieux faire les affaires de M. Roosevelt, dont le plan est de réunir les deux fractions avancées des deux partis. Elles sont mécontentes et irritées l’une et l’autre ; l’accord entre elles semble donc possible ; qui sait si nous ne verrons pas bientôt M. Roosevelt et M. Bryan dans les bras l’un de l’autre ? En attendant, le trouble est partout. Le lendemain n’est pas assuré et le surlendemain l’est moins encore, car M. Roosevelt continuera sa campagne avec une énergie que rien ne peut lasser et qui est comme