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au cœur des honnêtes gens. » Le Prince ne se trompait pas en faisant appel à l’opinion publique. Dès que la brochure parut, elle fut traduite dans toutes les langues et universellement admirée.

Comment les esprits indépendans n’eussent-ils pas été frappés dans tous les pays par le contraste entre le ton tranchant du prince Napoléon et le sentiment des nuances observé par le Duc d’Aumale. Vous êtes bien jeunes, semblait dire celui-ci à son adversaire, pour vous comparer à nous. Vous avez régné trente ans et nous dix siècles. Que, dans ce long espace de temps, nous ayons commis des fautes et même des crimes, je vous l’accorde volontiers. Mais nous avons fait autre chose. Ce Louis XIV que vous traitez de si haut, que vous accusez d’avoir appauvri son royaume d’hommes et d’argent, il a pourtant laissé « la grande monarchie autrichienne irrévocablement dissoute et la France agrandie de la Flandre, de l’Artois, de l’Alsace, de la Franche-Comté et du Roussillon. » Vous opposez aux divisions qui ont séparé la branche cadette de la branche aînée de notre famille l’étroite union des Napoléon. Oubliez-vous donc et Lucien et Mural ? Ne nous accablez pas non plus de l’éclat de votre gloire.

Cette gloire, nous la reconnaissons, nous l’admirons autant que vous. Nous avons chanté les chansons de Béranger, c’est le gouvernement de Juillet qui a replacé Napoléon sur la colonne de la place Vendôme et transporté ses cendres aux Invalides. Mais nous n’oublions pas comme vous le revers de tant de triomphes. Combien de centaines de mille hommes votre oncle a-t-il fait périr en Espagne, en Russie, à Leipzig ? Dans quel état a-t-il laissé la France après Waterloo ?

Vous répétez volontiers que vous êtes un gouvernement fort et, pour montrer votre force, vous nous annoncez que, si quelques-uns d’entre nous faisaient une descente sur les côtes de France, vous nous feriez bel et bien fusiller. « Nous aussi, nous avons eu une incursion à Strasbourg et une descente à Boulogne. Personne pourtant n’a été fusillé. Ces d’Orléans sont incorrigibles. Ce serait à recommencer que je crois vraiment qu’ils seraient aussi démens que par le passé. Mais pour les Bonaparte, quand il s’agit de faire fusiller, leur parole est bonne. Et, tenez, prince, de toutes les promesses que vous et les vôtres avez faites ou pouvez faire, celle-là est la seule sur l’exécution de laquelle je compterais. »