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Angleterre. Il donne une forme exquise à l’expression de sa gratitude en la reportant sur la Heine, en s’adressant à elle, comme si elle représentait toutes les vertus de la rare anglaise. En la louant, ainsi qu’il le fait, dans une note émue, avec une sorte d’attendrissement, il va au cœur du peuple qui aime à se reconnaître en elle. Il montre également qu’il comprend bien la nature du public auquel il s’adresse en insistant sur les deux sujets qui l’intéressent le plus, les lettres et la politique.

Quelle impression ne dut-il pas produire sur ses auditeurs lorsqu’il leur racontait, que, dans les paisibles soirées de Neuilly, son père allait quelquefois chercher un volume in-folio de Shakspeare illustré par Boydell pour donner aux enfans un aperçu des plus belles scènes du théâtre anglais et que lui-même, au collège Henri IV, il avait plus d’une fois caché un volume de Walter Scott dans son pupitre. Au moment où on le croyait absorbé dans la lecture d’un texte classique il lisait Ivanhoe ou les Puritains. Il parlait ensuite du mérite des institutions anglaises avec un accent d’admiration qui n’avait rien de banal. C’est sous un gouvernement constitutionnel, dans le culte du régime parlementaire, qu’il a été élevé et qu’il agrandi. L’idéal politique qu’on lui propose depuis sa jeunesse c’est l’idéal anglais, la conciliation de l’ordre et de la liberté. L’ordre s’obtient par la continuité de la tradition dynastique, la liberté par l’indépendance de la tribune et de la presse. Quels services n’ont pas rendus les grands orateurs dont s’honore le parlement d’Angleterre par le contrôle qu’ils ont exercé sur les actes du gouvernement ! Ils ont évité ou réparé bien des fautes. En même temps ils jettent un tel éclat sur la nation tout entière qu’elle a le droit de les compter au nombre de ses gloires nationales et littéraires. La France aussi a eu pendant trente-six ans une tribune libre et glorieuse. Ceux qui la représentaient sont aujourd’hui dans le cadre de réserve. Plus heureuse, la Grande-Bretagne n’a jamais vu interrompre la série de ses orateurs politiques. Le Duc d’Aumale en reconnaît plusieurs dans son auditoire et leur adresse le salut le plus cordial.

Le point culminant du discours, ce qui en fait l’originalité, c’est l’éloge sans réserve de la liberté de la presse dans un temps où tant de personnes en France se résignaient à la voir supprimée. Depuis qu’elle nous a été rendue, que de fois nous