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fantaisie a présidé aux développemens qu’il leur a consacrés. Il n’a que quatorze pages sans grand relief sur le Génie du Christianisme proprement dit ; il en a sept sur le Dernier Abencérage qu’il a découvert « un jour de soleil » et qui lui a paru « délicieux ; » et il en a dix-huit un peu inégales sur les Natchez. D’une manière générale, les analyses qu’il nous présente des divers ouvrages qu’il étudie sont, pour lui emprunter un aimable euphémisme, « d’un intérêt un peu languissant : » c’est que, précisément, elles sont des analyses, au lieu d’être des transpositions rapides et vivement commentées. Comme à l’époque de ses premiers Contemporains, il se laisse, si je puis dire, imposer par le livre qu’il apprécie la marche et la suite de son exposition. Et il lui arrive, peut-être parce qu’il veut être trop consciencieux, d’être souvent incomplet et parfois infidèle. Par exemple, dans l’analyse qu’il en donne, toute « simplifiée » qu’elle soit, je ne reconnais guère ce que M. Faguet appelait les « délicieux » Natchez, « cet étrange roman » qu’on lit peut-être plus, oui, même de nos jours, que ne le pense M. Lemaître, lequel déclare que « ce n’est pas une joie. » L’ingénieux écrivain s’extasie, — peut-être ironiquement, — sur le « tube enflammé, surmonté du glaive de Bayonne, » sur « les caisses d’airain que recouvre la peau de l’onagre » et qui « se taisent au signe du géant qui les guide ; » mais quand il nous représente Fénelon s’entretenant avec Chactas, il néglige de relever cette phrase étonnante sur la parole de l’auteur du Télémaque : « Ce qu’il faisait éprouver n’était pas des transports, mais une succession de sentimens paisibles et ineffables : il y avait dans son discours je ne sais quelle tranquille harmonie, je ne sais quelle douce lenteur, je ne sais quelle longueur de grâces qu’aucune expression ne peut rendre. » Et il ne signale pas non plus tels paysages polaires qu’on pourrait croire détachés de Pêcheur d’Islande, et qui nous rappellent fort à propos que les Natchez ont enchanté les dix-huit ans de Pierre Loti. Pareillement enfin, dans l’Essai sur les Révolutions, dans le Génie, dans les Martyrs, dans l’Itinéraire, les pages que cite et commente le conférencier ne sont pas toujours, elles sont même assez rarement celles que l’on attendait, colles qui mettent le mieux en valeur l’originalité d’artiste, le génie d’écrivain de Chateaubriand. Je suis bien convaincu que M. Lemaître ne l’a pas fait exprès, qu’il n’a pas, de propos délibéré, voulu rabaisser Chateaubriand, qu’il n’a pas un instant