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les honneurs de son palais, fantaisie innocente assurément, mais qui ne laissait pas de nuire à la dignité royale.

La Cour assistait encore à d’autres spectacles, carrousels, joutes et tournois inspirés à Gustave par ses instincts chevaleresques, par le souvenir des splendeurs de Versailles et par sa vive imagination qu’avaient influencée, dès le berceau, les légendes Scandinaves et plus tard, après son voyage en Italie, les événemens et la littérature de la Renaissance.

On peut maintenant se figurer la physionomie qu’elle présentait au moment où va se dérouler ce récit, c’est-à-dire pendant l’été de 1785, alors que le roi de Suède, rentré depuis plusieurs mois d’un long voyage en Italie, était venu se reposer à Drottningholm, des fatigues et les soucis du gouvernement, y vivre en famille, parmi les personnes auxquelles il avait accordé sa confiance et y recevoir fréquemment ses ministres, les dignitaires de sa maison et leurs femmes, les diplomates étrangers et suédois, toute une société en un mot qui rivalisait par l’élégance et l’esprit avec celle de la cour de France.

Il faudrait le pinceau d’un Lancret ou d’un Watteau pour décrire ces réunions, pour nous montrer les grands bateaux, à la proue resplendissante dans l’éclat de ses sculptures en bois, chargées d’or, et les barques légères, sillonnant, toutes voiles au vent, le lac étincelant sous les premiers feux du soleil estival si lumineux dans les ciels du Nord ; les belles dames, parure de ce règne, étagées debout sur les degrés de marbre ou assises en des attitudes nonchalantes sur les pelouses fleuries, leurs sigisbés à leurs pieds ou s’égarant à leur bras sous les ombrages du pare. La beauté de ces ensorceleuses, leurs altitudes, le luxe de leurs toilettes, copiées sur celles des grandes dames françaises, les caresses de la lumière sur les étoffes soyeuses et sur l’or ou l’ébène des chevelures, toute cette magie des couleurs, se déployant dans la splendeur du paysage, évoquée par le pinceau des illustres peintres des fêtes galantes, nous auraient valu un tableau que la plume ne saurait égaler. Essayons cependant de le reconstituer, en lui donnant pour cadre les terrasses du château aux heures matinales ou le pavillon chinois, lorsque la cohue dorée vient y chercher un abri contre la canicule de l’après-midi.

Voici d’abord la reine régnante, l’épouse de Gustave III, Sophie-Madeleine de Danemark. Consolée, depuis qu’elle a