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politico-galantes si fréquentes sous le règne de Gustave était bien tel que nous l’avons décrit. La Cour, depuis longtemps, avait quitté le deuil de la reine mère Louise-Ulrique, morte deux ans auparavant, et celui du petit duc de Smaland. Le Roi était revenu de son voyage en France et en Italie. Au moment de l’entreprendre, il avait visité en Finlande l’impératrice Catherine et, de sa longue excursion, il rapportait des résultats et des espérances propres à encourager les projets que lui suggérait son ambition pour la grandeur de la Suède. Tout était donc à la joie en lui comme autour de lui et il se livrait, libre d’inquiétudes, à l’organisation des fêtes par lesquelles il voulait manifester la satisfaction que lui causait le mariage du baron d’Armfeldt, son favori.

Personnage attachant et étrange, ce baron d’Armfeldt, d’origine finlandaise qui, nouveau venu à la cour de Suède, s’était fait en peu de temps une place éminente dans l’entourage du Roi. Naguère encore, simple enseigne dans la garde royale, il avait été nommé successivement, en quelques mois, capitaine, chambellan, lieutenant-colonel, aide de camp du Roi et enfin gentilhomme de la Chambre, charge de cour qui donnait rang de lieutenant général. A la même époque, le Roi lui confiait la direction des théâtres et la surintendance des menus plaisirs, toutes choses auxquelles Gustave III attachait une importance capitale. D’ailleurs, la faveur royale mettait Armfeldt bien au-dessus de sa fonction. S’il ne participait pas encore aux affaires de l’Etat, il n’en ignorait pas les secrets dont son prince s’entretenait souvent devant lui.

Maintenant, cette faveur ira toujours en grandissant. Elle ouvrira à celui qui en est l’objet l’Académie Suédoise nouvellement fondée. Un peu plus tard, elle fera de lui le confident de tous les projets de Gustave III. Elle lui vaudra en 1787, lorsque éclatera la guerre, un grand coin mandement qui lui fournit l’occasion de se distinguer par son courage et son esprit de décision sous le feu de l’ennemi.

Il n’entre pas dans le plan de ce récit de suivre Armfeldt aux diverses étapes de sa carrière. Mais, pour montrer sur quel sommet elle l’avait porté, il convient de reproduire ici ce qu’il en disait lui-même en 1794, lorsque, étant proscrit, après la mort de son protecteur, il s’efforçait de justifier sa conduite passée et de démontrer l’abominable injustice de ceux qui le persécutaient.