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Etats ou à ma Cour, soyez assuré que vous y recevrez un accueil qui confirmera les dispositions favorables dans lesquelles je suis à votre égard. »

Grisé par ce langage, se croyant assuré de l’appui de Catherine et cédant à la fougue de son imagination, Armfeldt considéra l’Impératrice comme l’arbitre des destinées de la Suède. Puisque cette patrie à laquelle il était passionnément attaché était tombée aux mains d’un gouvernement despotique, favorable aux idées révolutionnaires qui menaçaient toute l’Europe, il fallait la délivrer. Qui pouvait mieux contribuer à sa délivrance que cette souveraine dont le génie faisait l’admiration du monde ?

Ces réflexions, depuis longtemps, hantaient l’esprit d’Armfeldt. La lettre impériale leur donnait un fondement solide sur lequel il édifia le plan de révolution dont la découverte, avant même qu’il eût pu commencer à l’exécuter, allait bientôt procurer à ses ennemis les armes qu’ils cherchaient contre lui. Ce plan figure parmi les pièces du procès qui lui fut ultérieurement intenté. Bien qu’il ne soit pas écrit de sa main, l’authenticité n’en est pas douteuse ; il l’avait dicté à un secrétaire :

« J’ai médité pendant mon voyage, y dit-il, sur une révolution à faire en Suède et qui pourrait s’opérer sans effusion de sang, sans tumulte, sans aucune espèce de désordre. « Pour arriver au but sans violence et afin que la révolution, qui est inévitable, soit paisible et heureuse pour tous, je désirerais que l’Impératrice fit proposer au Duc régent, amicalement mais d’un ton très impérial :

« 1° Que le jeune Roi soit admis à tous les Conseils ;

« 2° Qu’il admit à son Conseil les personnes suivantes (suit une liste des personnes proposées pour former la nouvelle administration, sans parler de lui-même, Armfeldt, qui en sera le chef).

« Pour donner de la vigueur à cette capitulation du Duc, il faudrait une petite escadre russe à la hauteur de Stockholm jusqu’à ce que la machine fût montée. Le Régent, une fois dans nos mains, éclairé sur ses vrais intérêts, voyant que rien ne peut changer sa situation à l’égard de son influence, serait très content, très tranquille et ressemblerait à ces folles innocente. * dont on a violé la vertu. »

Tout en élaborant ce plan, Armfeldt ne se dissimulait pas