Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/380

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il était dangereux pour l’indépendance de la Suède de faire appel à l’intervention de la Russie. « Mais, dans les grands maux, disait-il, il faut des remèdes violons, et quand on veut le bien, il faut en accepter les moyens. »

Il n’avait pas communiqué ses projets à sa femme. Elle devait le rejoindre à Naples avec leurs enfans et il ne pouvait compter sur sa collaboration. Mais il on était autrement de sa maîtresse. Elle restait en Suède, mêlée au monde de la Cour, en relations avec les Gustaviens que Reuterholm n’avait pas chassés de Stockholm, en rapports de confiance avec l’ambassadeur Stackelberg. Elle pouvait donc lui être utile. Il n’avait pas hésité à faire appel à son dévouement dont la solidité lui était garantie par l’amour que, malgré l’absence, elle continuait à nourrir pour lui. Il ne prévoyait pas qu’en la faisant intervenir dans une entreprise qui revêtait la physionomie d’un complot contre le gouvernement royal, il la vouait à toutes les conséquences de sa conduite tout au moins imprudente et l’exposait à tous les dangers.

Ce n’est pas l’unique preuve de son imprévoyance et de sa légèreté. Quels que fussent ses desseins qui semblent avoir pris corps pendant son séjour à Vienne, il aurait dû, pour ne pas les laisser deviner, s’abstraire de certaines fréquentations propres à le rendre de plus en plus suspect au Cabinet suédois. Mais, entraîné par la princesse Mentschikoff dans la société moscovite, il ne cachait pas son antipathie pour la conduite politique de la régence ; il parlait irrévérencieusement du Régent, de Reuterhohlm, de leur entourage : il ne quittait pas la maison de l’ambassadeur de Russie pour lequel il n’avait pas de secrets. Il s’était également lié avec le comte de Gallo, représentant de Naples en Autriche, qui, par conviction comme par état, professait des opinions conformes aux siennes.

A Stockholm, par suite des mesures de police qu’avait ordonnées Reuterholm, on commençait à connaître ces menées et on en prenait ombrage. Déjà, au moment où Armfeldt quittait Stockholm, un maître de poste de Hambourg, acheté par la police suédoise, s’était engagé à arrêter au passage sa correspondance et à la communiquer à l’agent consulaire de Suède dans cette ville. Quand on sut qu’il allait arriver à Vienne, des instructions secrètes furent envoyées au ministre de Suède près la cour d’Autriche, le baron Nolcken : il lui était enjoint de ne